Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Daniel Auteuil: « À  ans, seul compte le présent »

À l’affiche de « L’Envers du décor », du 9 au 11 mars au théâtre Anthéa d’Antibes, Daniel Auteuil fêtera en mai les 70 ans du Festival de Cannes. Sans nostalgie puisque le passé n’intéresse pas ce jeune papa

- PROPOS RECUEILLIS PAR FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr

Après une année pleine au Théâtre de Paris, le comédien poursuit une tournée à succès qui fait étape cette semaine à Antibes. Daniel Auteuil, 67 ans, deux César pour douze nomination­s et un prix d’interpréta­tion à Cannes, reviendra ensuite à l’écran avec Sans famille, dont le tournage débutera au printemps.

Dans cette pièce, vous présentez une nouvelle conquête à un couple d’amis. Mauvaise idée ?

Oui, mais l’originalit­é de L’envers du décor ne réside pas tant dans le sujet que dans son traitement. Sur le fond, c’est un peu l’histoire que l’on retrouve chez Guitry et nombre de ses contempora­ins. La particular­ité, ici, c’est que l’on mêle deux niveaux de langage : la pensée et la parole. Selon le principe de l’aparté, une complicité se crée avec le public. Le spectateur est tout de suite dans la confidence, il entre dans nos têtes.

Florian Zeller a écrit ce texte pour vous. Là, bonne idée…

Après m’avoir vu avec Richard Berry dans Nos femmes ,ilm’a demandé si j’accepterai­s qu’il écrive pour moi. Je lui ai dit que c’était une très bonne idée. Mais aussi un pari. J’ai été surpris de l’audace du projet, j’ai eu envie de faire la mise en scène et cette pièce a eu le succès que l’on connaît : nous l’avons déjà jouée pendant toute une année à Paris.

Comment enchaîner saisons et tournée sans se lasser ?

C’est tout simple : le public est chaque soir différent. Si ce n’était pas le cas, ce serait épouvantab­le ! Tout l’art de l’acteur consiste à se réinventer tous les jours. C’est à la fois l’humilité et la grandeur de ce métier.

Le théâtre, c’est deux heures hors du temps ?

D’une certaine façon, oui. Si la grâce est là, ce sont deux heures pendant lesquelles le corps s’efface. Deux heures hors du temps qui, en réalité, se préparent depuis le début de la journée. L’acte commence quand le rideau se lève, mais la concentrat­ion doit être la même que celle d’un coureur automobile. Sur scène, j’anticipe. À l’instant où je dis une réplique, une partie de moi se projette à quelques millièmes de seconde. Le temps de la représenta­tion paraît très lent alors que tout va très vite. C’est une perception différente.

Vous dites que le succès détend. Vous devez être très détendu ?

Quand on est jeune, on est dans une espèce de course contre soimême. Avec à la fois une peur de ne pas y arriver et une envie, un désir de jouer. Effectivem­ent, quand on a la chance d’être reconnu à la fois par les gens de son métier, par la presse et par le public, on peut aborder les choses de façon un peu plus détendue. Cela ne veut pas dire que l’on soit pour autant rassuré, puisqu’il faut à chaque fois prouver quelque chose. Mais la reconnaiss­ance vous incite à lâcher et à vous ouvrir davantage.

Il y a aussi les critiques. S’habitue-t-on au jugement ?

C’est relativeme­nt agaçant (rires) mais… comment dire ? ça fait partie du jeu. Si on ne l’accepte pas, on ne se montre pas. Disons que c’est un mal nécessaire.

Ce métier vous a-t-il guéri de votre timidité ?

Ce sont des trucs qui remontent à très loin, c’est-à-dire à l’enfance. Je me souviens de la timidité que j’avais, longtemps, à exprimer des sentiments. Pleurer, rire, cela demande un vrai abandon. Je me rappelle aussi que j’étais plus à l’aise devant huit cents personnes que devant dix. Aujourd’hui, c’est très différent. Je suis libéré de tout cela depuis longtemps. Je pense que ce n’est pas le métier mais la vie qui fait qu’au bout d’un moment, on se connaît, on s’accepte. On ne change pas, mais on s’habitue à soi. C’est valable pour tout le monde. Heureuseme­nt que je suis débarrassé de plein de choses, à l’âge que j’ai. Ce serait dommage d’avoir passé tout ce temps et de n’avoir rien appris !

Est-il vrai que vous ne regardez jamais vos films ?

Les films dans lesquels je joue, je ne les vois qu’une fois : à leur sortie. Je n’aime pas les regarder quand ils passent à la télé. Ce n’est plus moi. Le passé ne m’intéresse pas, sauf en ce qu’il me sert d’expérience. À mon âge, seul compte le présent. Je n’ai plus dix secondes à perdre.

Vous verra-t-on à Cannes ?

Peut-être. Comme invité, dans le cadre du soixante-dixième anniversai­re du Festival. J’aimerais pouvoir y passer. Participer à la fête. Cannes m’a gâté. J’ai souvent eu des films en compétitio­n, un prix d’interpréta­tion m’a été remis par Coppola (N.D.L.R. : pour Le Huitième Jour, en ). J’ai des souvenirs très fort. Et j’ai presque l’âge du festival !

Vous êtes aussi un jeune papa…

Mon fils va bientôt avoir huit ans. C’est merveilleu­x. Exaltant. Préoccupan­t. Généreux. C’est une chance. C’est la vie!

Préoccupan­t, dites-vous. Le débat politique vous intéresse ?

Ma génération – celle de Mai  – a très tôt été initiée, confrontée, motivée, et s’est construite avec une certaine idée de la politique. Nous étions des artistes politisés, ce sont deux combats qui se menaient de pair. Toute ma vie, au fond, j’ai continué à suivre le débat avec intérêt. Je me sens vraiment concerné. On a voté une fois ou deux contre, mais aujourd’hui il y a de quoi voter pour, non ?

La concentrat­ion d’un coureur automobile” J’ai presque l’âge du Festival !”

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