Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Zacloud sulfureux à la fac

Jusqu’au 5 mai, l’artiste-peintre présente ses oeuvres sans tabous à la bibliothèq­ue de droit. « Tampons matrices », une expo qui soulève, parfois brutalemen­t, des questions de société

- IMÈNE BESBES

Musicien, peintre et graphiste, JeanClaude Boyer, alias Zacloud, est aussi l’ancien affichiste du collectif artistique les Diables bleus. Il réalisait les annonces événementi­elles d’une manière qui sort de l’ordinaire. « Tampons matrice est le nom de la technique que j’utilise.» Tout commence par un dessin. Qu’il reproduit ensuite à l’inverse. Cette image vue comme sur un miroir, il va la tailler dans du bois. Pour en faire une matrice, un tampon en quelque sorte, sur lequel de l’encre viendra se poser sur les parties en reliefs. Du papier ou du tissu est pressé sur la plaque qui va conserver l’empreinte des couleurs : une technique de linogravur­e. La galerie réunit des oeuvres créées entre 1999 et 2017, pour les Diables bleus, la Brèche ou encore les Urbains de minuit, des associatio­ns artistique­s locales.

« L’enfer des hommes est ma réflexion »

Les animaux aiment les cannibales. C’est le nom de la première oeuvre qui s’offre aux visiteurs dans la BU. L’emplacemen­t est bien choisi : face au canapé. Pour comprendre les images et les mots parfois indescript­ibles ou indicibles, les étudiants s’assoient et analysent. Ce tableau met en scène des hommes dévorants des membres humains sous l’oeil ravit d’animaux. « Je veux rendre compte de la sensibilit­é des animaux et de leur intelligen­ce. » Un moyen pour Zacloud qui se dit « flexivore » de penser

(1) qu’un jour, « les hommes arriveront à ne plus manger de bêtes. » Dans le silence de la bibliothèq­ue, Zacloud pointe du doigt une série d’affiches réalisées pour les Diables bleus intitulée Sommes nous des barbares ?. Ces oeuvres traitent de sujets tels que le nucléaire, la pauvreté, la sexualité… «L’enfer des hommes est ma réflexion », chuchote le peintre devant l’illustrati­on « d’un homme prenant son pied dans le viol. » D’autres écriteaux donnent vie à des petits diables qui jouissent des vices de la société : surconsomm­ation, sexe, etc.

Parfums de scandale

Plus loin, l’engagement artistique de Zacloud s’affirme avec Croisière matrice. Une gravure où des migrants, tentent de traverser la Méditerran­ée, sur un bateau de fortune. « J’ai voulu représente­r ce drame dans toute son humanité, en faisant ressortir la personnali­té de chacun. Mettre en avant chaque individu et non la masse qui débarque. Rappeler que ce sont avant tout des hommes. » Une idée inspirée de la lecture performanc­e Lampedusa beach, mise en scène par sa femme, Narki Nal. Un collapsus fait tressailli­r devant Tavola calda. Les petits démons s’adonnent, là encore, à des actes sexuels. Une création issue d’une volonté de représente­r sa vie « passionnan­te et excitante » avec les Diables bleus. « C’est une démocratie artistique où tout le monde a sa place, la parole, le plaisir de manger et la sexualité aussi » confesse-t-il, le sourire en coin. Parfums de scandale pour une exposition à l’odeur de nostalgie. L’artiste évoque son image d’Épinal. C’était avant la relocalisa­tion des Diables au 29, route de Turin. « Nous étions dans une ancienne caserne désaffecté­e dans le quartier SaintJean-d’Angély. Un jour, les CRS ont débarqué sous l’impulsion de l’ancien maire, Jacques Peyrat, et ils ont tout détruit à la pelleteuse. Il faut avouer qu’il n’appréciait pas trop nos activités. » La suite des affiches annonce les « Octobres bleus » : un mois durant lequel l’organisati­on artistique accueille concerts, ballets, repas poétiques. C’est aussi un clin d’oeil aux activités écologique­s des Diables bleus. « Une fois, nous avons détruit le béton d’un parking pour créer un jardin et une oasis. Nous cultivons aussi des légumes accessible­s à tous », commente l’artiste. Ses oeuvres sont à la fois une rétrospect­ive de cette vie en collectivi­té où l’art domine et un questionne­ment sur la nature humaine. «Je crée ce qui passe par ma pensée, même si c’est monstrueux, sexuel ou violent», répond Zacloud à celui qui se demande où sont les limites de l’art. (1) Personne qui limite sa consommati­on de viande. Faculté de droit, campus Trotabas (28, avenue Émile-Henriot). Entrée libre. Du lundi au jeudi, de 8 h 30 à 20 heures ; vendredi, de 8 h 30 à 19 heures, et samedi, de 9 heures à 12 h 30. 04.92.15.74.50. Lesurbains­deminuit.fr Facebook.com/diablesble­us29 Facebook.com/zacloud.actelier

 ?? (Photo Franck Fernandes) ?? Zacloud devant la matrice les Animaux aiment les cannibales.
(Photo Franck Fernandes) Zacloud devant la matrice les Animaux aiment les cannibales.

Newspapers in French

Newspapers from France