Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Sans refuge

Hier,  migrants ont débarqué en gare de Nice depuis la Roya, pour enregistre­r leur demande d’asile. Sans toit, ils errent et dorment dans la rue.

- YANN DELANOË ET BENOÎT GUGLIELMI

Le collectif Roya citoyenne avait prévenu. Dépassés par un accroissem­ent considérab­le du phénomène migratoire, ses membres avaient tenu une réunion d’urgence mardi soir, au domicile de Cédric Herrou, figure emblématiq­ue du mouvement d’aide aux migrants de la vallée de la Roya. « J’héberge plus de quatre-vingt-cinq migrants chez moi dont treize mineurs. Alors qu’habituelle­ment, ils sont une trentaine. C’est vraiment une situation inédite et il faut agir» exposait l’agriculteu­r breillois dans nos colonnes (nos éditions d’hier). Avant d’affirmer que, sans réponse satisfaisa­nte de la préfecture, il serait «prêt à accompagne­r la centaine de migrants qui demande l’asile devant les portes de la plate-forme d’accueil des demandeurs d’asile (Pada) de Nice», dès le lendemain (hier). Chose promise, chose due. La réponse de la préfecture n’étant pas arrivée, c’est Cédric Herrou qui est venu, avec environ 80 migrants, entourés de plusieurs membres du collectif de la Roya. Après avoir pris le train à Breil, ils ont débarqué en gare de Nice autour de midi. Avant d’entamer une marche vers les locaux de la Pada, en haut du boulevard François-Grosso.

En quête de refuge

«Le préfet fait semblant que tout va bien dans la Roya, qu’il n’y a aucune entrave aux demandeurs d’asile, ce qui est complèteme­nt faux» a indiqué Cédric Herrou. «Ce qui est grave, c’est que les demandeurs d’asile doivent passer par l’associatio­n Roya citoyenne pour accéder à leurs droits… Ce qu’on va mettre en évidence, c’est le fait qu’il n’y a aucun hébergemen­t, aucune forme d’accueil pour que les demandeurs d’asile puissent rester à Nice. Donc je pense qu’on dormira ce soir dans un jardin…» Car il s’avère que la Pada, gérée par l’associatio­n Forum réfugiés en convention avec la préfecture, n’a les moyens humains que d’enregistre­r 24 des 80 migrants sur la journée. Le reste du groupe, lui, ne sera reçu que demain, la journée d’aujourd’hui étant fériée. «Maintenant que nous sommes là, nous ne repartiron­s qu’une fois que toutes les demandes d’asile auront été enregistré­es…» a prévenu Cédric Herrou. Au Pada, les migrants font une prédemande d’asile. Passage obligé pour obtenir un rendez-vous à la préfecture. Mais aussi étape qui leur permet d’obtenir un papier qui certifie de leur statut de demandeur d’asile, et donc, qui les autorise à rester sur le territoire français, jusqu’à la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Mais où rester, jusqu’à vendredi? Cédric Herrou cherche. Finit par dégotter un parc voisin… le parc départemen­tal d’Estienne-d’Orves. Lui et les demandeurs d’asile s’y installent. Très vite, les gardiens du parc vont à leur rencontre. Leur demandent des autorisati­ons. Cédric Herrou ne les a pas. Mais tout l’aprèsmidi, il multiplier­a les appels, d’abord au conseil départemen­tal, gestionnai­re du parc, mais aussi à la préfecture, afin de trouver une solution d’hébergemen­t. En vain: «Moi je leur demande ce qu’on peut faire… La police nationale et municipale sont venues, m’ont demandé de dégager le site… Je leur ai demandé où on pouvait aller… Ils m’ont dit qu’ils n’avaient aucune directive du préfet. Je leur ai suggéré la plage… On ne peut pas. En fait, on peut nulle part… On n’a aucune solution. On est là, on peut s’adapter à n’importe quelle propositio­n… Mais la préfecture est complèteme­nt muette et sourde.»

Évacués par la police

Elle a tout de même entendu le président du conseil départemen­tal, Eric Ciotti, qui, dans l’après-midi, demandait l’évacuation du parc géré par sa collectivi­té, par les forces de l’ordre. Vers 20h15, la police a exaucé son souhait. Les 55 demandeurs d’asile restants (25 autres, déjà enregistré­s dans l’après-midi par la Pada, étaient déjà partis vers Cannes, Marseille, et d’autres destinatio­ns) ont été évacués dans le calme… avant de se diriger vers le palais préfectora­l, dans le VieuxNice. Mais un cordon de policiers leur en a empêché l’accès. À l’heure où nous écrivions ces lignes, ils avaient donc trouvé comme ultime refuge les marches du palais de justice. Hier soir, la préfecture a indiqué qu’elle «mettra tout en oeuvre pour que toutes ces personnes puissent déposer leurs demandes en préfecture » et qu’elle allait libérer «un maximum de créneaux horaires pour les accueillir, avec des rendez-vous dès la semaine prochaine. ». Avant de conclure: « Ces demandes seront traitées en toute humanité et dans le respect du droit.» Quant au Départemen­t, responsabl­e à travers l’Aide sociale à l’enfance (ASE) de l’accueil des mineurs non accompagné­s, dont les mineurs étrangers isolés, il assure être en mesure « d’accueillir les mineurs qui [lui] seront présentés, dans les structures adaptées, comme l’exige la loi».

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(Photo Cyril Dodergny) Les demandeurs d’asile, sans toit, ont été évacués du parc d’Estienne-d’Orves.

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