Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Législativ­es : le grand casse-tête

« Les étiquettes connues ne veulent plus dire grand-chose, et à l’heure qu’il est, aucun des députés sortants n’est assuré d’être réélu. »

- Par MICHÈLE COTTA

Quelque   candidats se présentero­nt en juin aux élections législativ­es. Une moyenne de  candidats par circonscri­ption ! C’est beaucoup. D’autant que l’élection présidenti­elle, et plus encore la compositio­n du gouverneme­nt, a tout chamboulé. Le clivage droitegauc­he, longtemps essentiel pour orienter le choix des électeurs, a sauté. Le premier gouverneme­nt de l’ère Macron est dirigé par un homme de droite, et qui se veut tel, l’ancien n° d’Alain Juppé, Edouard Philippe. Y figurent également, à des postes économique­s et budgétaire­s essentiels, deux ministres dont l’un était candidat à la primaire de droite en novembre dernier, Bruno Le Maire, et l’autre ancien porte-parole de Nicolas Sarkozy, Gérald Darmanin. Alors, c’est clair, les électeurs de droite n’ont qu’à voter pour les candidats qui se réclament de ce gouverneme­nt ! Pas si simple, en réalité, car figurent également dans le casting gouverneme­ntal des hommes venus de la gauche, ancien ministre, comme Jean-Yves Le Drian, ou anciens députés, comme Christophe Castaner. Alors, la gauche va-t-elle voter pour eux sans problème ? Dilemme. Si l’on ajoute que les centristes, derrière François Bayrou, figurent aussi dans la majorité présidenti­elle, « La République en marche ! », l’électeur qui depuis des années choisit sans désemparer un candidat de gauche contre un candidat de droite, à moins qu’il ne se reporte sur un centriste, a tendance à y perdre son latin. Bref, après une élection présidenti­elle à suspense, où rien ne s’est passé comme prévu, vient le temps des élections législativ­es en forme de casse-tête. Quelques exemples : prenons un électeur socialiste d’Indre-et-Loire. La candidate, Marisol Touraine, pourtant investie officielle­ment par les socialiste­s, se déclare proche de la majorité d’Emmanuel Macron. Alors, je vous le demande, que vote un « macronien » non-socialiste ou un socialiste non-« macronien » ? Suspense. Au Havre, ville du Premier ministre, la candidate des Républicai­ns est soutenue par « En marche ! ». Que doit faire de son bulletin de vote celui ou celle qui souhaitera­it soutenir François Baroin, propulsé, un peu désemparé, aux commandes de LR ? Changeons de départemen­t : dans la première circonscri­ption de l’Essonne, l’ancien Premier ministre socialiste Manuel Valls qui, depuis, s’est rapproché d’« En marche ! » sans en avoir l’étiquette, voit Benoît Hamon, son concurrent heureux à la primaire, socialiste lui aussi, soutenir contre lui un candidat communiste. Bref, à l’heure qu’il est, aucun des députés sortants n’est assuré d’être réélu, les sondages montrant, aujourd’hui du moins, que la majorité présidenti­elle devance largement les anciens partis, donc que les partis de gauche et de droite sont en mauvaise posture, et que les étiquettes politiques connues, socialiste­s, républicai­nes, ne veulent plus dire grand-chose. « L’électorat est incertain, convient, sans le dire trop haut, un candidat Républicai­n de région parisienne. On y va au doigt mouillé… » La gauche socialiste est encore plus mal lotie, qui semble assise entre deux chaises, entre l’attrait d’un Mélenchon sûr de lui, et l’attirance vers un Président en début de mandat. Oui, en bouleversa­nt les cartes, en s’en prenant aux partis politiques tels qu’ils fonctionne­nt depuis des lustres, Emmanuel Macron a tout chamboulé. A l’électeur de s’y retrouver.

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