Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Législatives : le grand casse-tête
« Les étiquettes connues ne veulent plus dire grand-chose, et à l’heure qu’il est, aucun des députés sortants n’est assuré d’être réélu. »
Quelque candidats se présenteront en juin aux élections législatives. Une moyenne de candidats par circonscription ! C’est beaucoup. D’autant que l’élection présidentielle, et plus encore la composition du gouvernement, a tout chamboulé. Le clivage droitegauche, longtemps essentiel pour orienter le choix des électeurs, a sauté. Le premier gouvernement de l’ère Macron est dirigé par un homme de droite, et qui se veut tel, l’ancien n° d’Alain Juppé, Edouard Philippe. Y figurent également, à des postes économiques et budgétaires essentiels, deux ministres dont l’un était candidat à la primaire de droite en novembre dernier, Bruno Le Maire, et l’autre ancien porte-parole de Nicolas Sarkozy, Gérald Darmanin. Alors, c’est clair, les électeurs de droite n’ont qu’à voter pour les candidats qui se réclament de ce gouvernement ! Pas si simple, en réalité, car figurent également dans le casting gouvernemental des hommes venus de la gauche, ancien ministre, comme Jean-Yves Le Drian, ou anciens députés, comme Christophe Castaner. Alors, la gauche va-t-elle voter pour eux sans problème ? Dilemme. Si l’on ajoute que les centristes, derrière François Bayrou, figurent aussi dans la majorité présidentielle, « La République en marche ! », l’électeur qui depuis des années choisit sans désemparer un candidat de gauche contre un candidat de droite, à moins qu’il ne se reporte sur un centriste, a tendance à y perdre son latin. Bref, après une élection présidentielle à suspense, où rien ne s’est passé comme prévu, vient le temps des élections législatives en forme de casse-tête. Quelques exemples : prenons un électeur socialiste d’Indre-et-Loire. La candidate, Marisol Touraine, pourtant investie officiellement par les socialistes, se déclare proche de la majorité d’Emmanuel Macron. Alors, je vous le demande, que vote un « macronien » non-socialiste ou un socialiste non-« macronien » ? Suspense. Au Havre, ville du Premier ministre, la candidate des Républicains est soutenue par « En marche ! ». Que doit faire de son bulletin de vote celui ou celle qui souhaiterait soutenir François Baroin, propulsé, un peu désemparé, aux commandes de LR ? Changeons de département : dans la première circonscription de l’Essonne, l’ancien Premier ministre socialiste Manuel Valls qui, depuis, s’est rapproché d’« En marche ! » sans en avoir l’étiquette, voit Benoît Hamon, son concurrent heureux à la primaire, socialiste lui aussi, soutenir contre lui un candidat communiste. Bref, à l’heure qu’il est, aucun des députés sortants n’est assuré d’être réélu, les sondages montrant, aujourd’hui du moins, que la majorité présidentielle devance largement les anciens partis, donc que les partis de gauche et de droite sont en mauvaise posture, et que les étiquettes politiques connues, socialistes, républicaines, ne veulent plus dire grand-chose. « L’électorat est incertain, convient, sans le dire trop haut, un candidat Républicain de région parisienne. On y va au doigt mouillé… » La gauche socialiste est encore plus mal lotie, qui semble assise entre deux chaises, entre l’attrait d’un Mélenchon sûr de lui, et l’attirance vers un Président en début de mandat. Oui, en bouleversant les cartes, en s’en prenant aux partis politiques tels qu’ils fonctionnent depuis des lustres, Emmanuel Macron a tout chamboulé. A l’électeur de s’y retrouver.