Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

L’importun opportun(niste)

Est « entré » en politique à 15 ans. Depuis, c’est son job, des Souveraini­stes à « l’extrême droite », l’élu est maintenant dans la majorité Estrosi, après avoir été son opposant

- STÉPHANIE GASIGLIA sgasiglia@nicematin.fr

Il faut faire une photo. Ras-le-bol de celle où le «monsieur stationnem­ent et circulatio­n» de Christian Estrosi pose, gauche – ça lui va mal – à côté d’un horodateur lors d’une conférence de presse. Gaël Nofri s’y prête volontiers, commode. Mais les camions mal garés autour de l’hôtel de Ville le mettent en fusion. « Excusezmoi », dit-il, avant de détaler vers un policier municipal. « Depuis que je suis à cette délégation, je pourrai me faire un ulcère tous les matins », lâche-t-il, avant de reprendre la pose. Clic-clac, plus un camion hors-la-loi. Et on a notre photo.

«Ça y est, c’est fini tes conneries ? »

Gaël Nofri, 33 ans, est déjà un «vieux» politique. Un ovni que la presse – surtout nous – trouve toujours le moyen d’égratigner. Il faut dire que, volontaire­ment ou pas, il le cherche. Lorsque, par exemple, il devient serviteur de la majorité après avoir été l’un des principaux opposants au maire de Nice, élu sur une liste FN. C’était à la mi2016. Ses appels du pied étaient devenus voyants. Il finit par officielle­ment être adoubé. Estrosi l’aurait accueilli dans son bureau avec un: « Bon alors, ça y est, c’est fini tes conneries ? » Opportunis­te ? Il s’en défend : « J’attaquais Estrosi sur les dépenses de fonctionne­ment. Il a redressé la barre et va vers un désendette­ment. » Nofri le cherche, encore, lorsqu’il est nommé au stationnem­ent et à la circulatio­n: « Quand Christian Estrosi m’a proposé cette mission, je lui ai dit : je n’ai pas le permis de conduire, Nice-Matin va me sauter dessus. » Bien vu. On l’a fait. Il faut bien reconnaîtr­e que ce père d’un garçonnet de 8 ans et demi le prend toujours bien. Adepte du mantra : « Qu’on parle de moi en bien ou en mal, peu importe. »

« Très sincèremen­t, je ne suis pas homophobe »

Gaël Nofri assume tout. Ses «errances » qu’il ne veut pas qualifier comme telles, en politique. Ses changement­s de crémerie : de tout proche du FN à Debout la France… Et tout glisse sur ce costume qu’il ne quitte jamais. Le Friday wear, pas son truc. Tout juste laisse-t-il le costard dans le placard, pour partir randonner, un de ses passetemps. Ou faire du bateau, là aussi, sans permis: « Je n’aime pas les permis, ça doit être mon côté anarchiste de droite ! » Tout glisse sur lui, sauf une chose. « Ce qui m’a fait mal, c’est qu’on puisse croire que je suis homophobe », chuchote-t-il, affecté. Parce qu’il avait déclaré que jamais il ne célébrerai­t un mariage gay. Il hésite. Prêt à nous tenir le couplet: j’ai des amis homos. Se ravise. Pour autant, il reste de marbre : « Non, je n’en célébrerai pas. » Mais s’explique:« Je suis tout sauf homophobe, c’est très sincère. Pour moi, le mariage est une institutio­n sociale qui repose sur l’accueil de la vie. J’assume d’être un conservate­ur. »

« Croyant profondéme­nt »

Gaël Nofri est corse. Insularité difficile à détecter, tant il est froid et placide, là où son île est fougueuse et chaude. On le pense catho, grenouille de bénitier. Là encore, on se trompe. L’élu se cherche. «Je suis chrétien, croyant profondéme­nt », confesse-t-il, élevé dans une famille qui ne l’était pas du tout. Mais il n’est pas catholique. Même si « cela fait son chemin ». Sur son enfance, ce bosseur acharné chuchote que ses grandspare­nts ont été importants dans son éducation. Des parents divorcés. Sa mère, rééducatri­ce en psycho motricité, habite toujours Bastia. Le paternel enseigne dans un collège niçois, mais il a du mal à en parler : « Mon père est très, très discret, il n’aimerait pas. » Dans son bureau en mairie, des livres partout, sa passion: «Si je vous dis Malraux, ça voudrait dire enlever Chateaubri­and. » Des livres encore : sur les religions. Celui qui a passé un master de droit public à Nice, a aussi suivi un cursus en théologie. Alors, il a son idée sur la laïcité : « Toutes les religions ont le droit à un espace de liberté.» Il pense toutefois que la loi de 1905 n’est plus adaptée : « On devrait dire clairement ce que l’on attend de l’islam de France, jusqu’où on peut l’accompagne­r et ce qu’on n’accepte pas. »

« Ciotti n’est pas fait pour être maire »

Féru d’histoire, « quand on aime l’histoire, on aime la politique », Gaël Nofri est tombé très tôt dans le chaudron : à 15 ans, il prend sa carte au RPF de Pasqua. « J’étais gaulliste, je le suis toujours. » À presque 18 ans, son bac en poche, il entre en même temps à la fac et au cabinet de Jacques Peyrat, alors maire. Chargé de la proximité et des relations avec les administré­s. Mais Estrosi est élu. «Je n’avais pas de raison de rester. » Une phrase savoureuse aujourd’hui. Puis, un passage chez Éric Ciotti au Départemen­t, avant de partir à Montmorill­on (Vienne) comme directeur de cabinet. Il grimace : « Le conseil général, ce n’est pas l’une des plus belles périodes de ma vie. » Pourtant, celui qui colle aujourd’hui à la roue d’Estrosi a, idéologiqu­ement, plus à voir avec Ciotti. A droite, toute. Nofri ne le nie pas: « La question c’est l’humain. Alors oui je suis sensibleme­nt plus proche de Ciotti, quoi que cette critique permanente de Macron me gêne. C’est vrai, je suis d’une droite plus souveraini­ste qu’Estrosi, mais il me laisse libre. » Il tacle le député: « Il ne faut pas faire de la politique quand on n’aime pas les gens. Ciotti n’est pas fait pour être maire, ce n’est pas un lot de consolatio­n quand on n’a pas eu la place Beauvau. » Et Nofri, pour quoi est-il fait? Lui qui a été candidat à tout. Ou presque. Des cantonales aux législativ­es… Soutenu, notamment, par le FN. Ce FN en qui il a cru. Vraiment. «Un échec», confesse-t-il. Cet orphelin de la droite souveraini­ste et populaire, a eu espoir en Marine Le Pen, jamais en son père : «Je n’ai jamais voulu travailler avec Jean-Marie, ses propos, antisémite­s notamment, étaient des fautes graves .» Marine Le Pen éphémère

[1] espoir : « J’ai rapidement déchanté. On ne peut pas construire sa carrière politique sur un ajout de rejets. » « On a échoué, martèle-t-il. Mais peut-être que c’était perdu d’avance. » Et d’évoquer : « L’exaltation de la violence, la destructio­n de la notion de citoyen au profit de la notion de race. » On sait que l’élu vise les ex-identitair­es qui ont rallié le parti : « En 2014 déjà, Philippe Vardon voulait rentrer sur notre liste, je m’y suis opposé. » Ce n’est pas sa droite, pas son camp. Il le jure. [1] Il a pourtant dirigé la campagne de Jean-Marie Le Pen pour les élections européenne­s de 2014.

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