Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Six ans pour trafic de stups: «Comme par hasard, c’est moi…»
Une dizaine d’individus avaient été interpellés en 2014 dans le cadre d’un trafic de cannabis entre l’Espagne et Nice. Herbe et résine transitant alors par la route de Turin, l’avenue de Pessicart et le chemin de la Madonette-deTerron. Tous devaient être condamnés deux ans plus tard par le tribunal correctionnel de Nice, les sanctions étant confirmées récemment en appel. Parmi eux: Gérard Chapon, déjà connu de la justice, notamment pour d’anciens faits de proxénétisme, cette fois reconverti en passeur. C’est lui qui, début 2016, considérant que rien ne pouvait plus être tenté pour préserver l’anonymat du commanditaire supposé, allait livrer des informations sur « un gitan du Var », rapidement identifié comme étant Georges Espinas. Condamné par défaut à dix ans d’emprisonnement, ce dernier avait fait appel. Ayant fait l’objet depuis lors d’un mandat d’arrêt, il comparaissait mardi, déterminé à nier toute implication dans l’affaire. « Comme par hasard, c’est moi… Je suis énervé par tout ce système qui, à chaque fois, m’accuse à tort », s’insurge le prévenu de 53 ans. Il balaie du revers de la main les accusations de Chapon, « minable escroc », et prétend imposer sa vérité : « C’est pas cohérent. Aucun élément de l’instruction n’établit ma présence où que ce soit. » Quand la présidente Catherine Bonnici se montre insistante : « Vous ne prenez que des choses négatives, c’est pour ça qu’on n’arrivera pas à s’entendre ! »
« J’ai été trafiquant, j’aurais su comment faire »
Georges Espinas a un solide casier judiciaire plombé d’une peine de vingt ans de réclusion en 1992 : « On avait tué mon oncle, je l’ai vengé. » Mais il a un certain sens pratique. Quand on lui fait observer, à propos de la vieille Renault Laguna de Chapon affichant 250 000 km, que l’on fait beaucoup mieux au rayon des go-fast, il acquiesce : « Si c’était moi, je lui aurais loué une voiture adéquate. J’ai été trafiquant, j’aurais su comment il faut faire. » Mais Chapon a été formel. « Vous voyez un peu, la méchanceté des gens ? » Côté famille, la situation d’Espinas n’est pas limpide. Élisa, sa compagne depuis trente-quatre ans, et Claudia, l’une de leurs filles, ont longtemps résidé à Vidauban (Var). Dans une confortable villa, aujourd’hui saisie, offrant piscine et… vidéosurveillance. Chacune des deux femmes percevait l’allocation adulte handicapé, 800 euros par mois. « Ça ne fait pas sourire quand on reçoit sa feuille d’impôt, mais enfin, c’est ainsi », commente une magistrate désabusée. Du reste, mère et fille ont été condamnées en appel pour non-justification de ressources. À l’évocation des 10 kg de cannabis découverts dans la buanderie et dont Elisa lui impute la responsabilité, Espinas sort de ses gonds : « Cette femme, je ne peux pas la voir. Je ne la supporte plus ! » Il a d’ailleurs refait sa vie en Espagne, avec une charmante demoiselle qui lui a donné une fille en février 2016. Tout est dit ? « Je pense qu’on a fait le tour », estime le prévenu. Au regard de la « gravité des faits » et de la « personnalité de l’auteur », le procureur requiert dix ans d’emprisonnement. La peine de Georges Espinas est finalement ramenée à six ans. Entre-temps, Me Philippe Soussi a rappelé que « des suppositions, ce ne sont pas des preuves ». Selon l’avocat, sa participation au trafic n’est pas démontrée : « L’hypothèse Espinas est très séduisante. C’est un coupable idéal. »