Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

La cote d’alerte

- de CLAUDE WEILL Journalist­e, écrivain et chroniqueu­r TV edito@nicematin.fr

Le propos est de François Hollande, qui sait de quoi il parle : « Avant d’être Président, on est apprécié ; après avoir été Président, on est regretté ; et quand on est Président, on est impopulair­e. » Si l’on peut le chicaner sur la deuxième propositio­n (pas sûr que l’ancien chef de l’Etat soit autant regretté que semble l’indiquer le succès de ses séances de signatures), le fait est que l’aphorisme hollandais décrit bien le cycle qui rythme la vie politique française. Tôt ou tard, tous les Présidents de la Ve ont connu ce passage de l’état de grâce à la disgrâce. Tous, y compris ceux qui ont eu l’heur d’être réélus. Pour Emmanuel Macron, l’impopulari­té c’est maintenant. Oh, pas encore une impopulari­té record (il fait encore sensibleme­nt mieux que Hollande en juillet , par exemple). Mais tous les indicateur­s montrent en ce début d’été un tassement brutal. Dans le baromètre Kantar-Fig-Mag, avec  % de confiance (contre  %), il retrouve à peu près le niveau à même date de Sarkozy (qui ne se redressera jamais). En clair : il a atteint la cote d’alerte. On peut incriminer le goût des Français pour le régicide ; la perversité d’un système institutio­nnel qui, concentran­t les pouvoirs entre les mains d’un seul, le rend seul comptable de tout ce qui va mal ; souligner (comme on le fait à l’Elysée pour se rassurer) que le pays est dans cet entre-deux où les réformes attisent les inquiétude­s et ne produisent pas encore leurs fruits. Le Président et les siens auraient tort de se satisfaire de ces généralité­s. Car ce qu’il paie – cash ! –, c’est une assez sidérante succession de gaffes, de couacs et d’erreurs de com’. Entre le « pognon de dingue » des minima sociaux, l’achat d’un nouveau service de Sèvres, la piscine de Brégançon, le  km/h (si mal vécu par la province laborieuse), la Fête de la musique électro-gay au Palais, le cafouillag­e sur les pensions de réversion, le report du plan pauvreté, le pouvoir a réussi à susciter ou alimenter à peu près une polémique par jour. Certaines fondées, d’autres spécieuses. Efficaces en tout cas, et pain béni pour les opposition­s, car elles appuient là où ça fait mal : elles renforcent l’image du « Président des riches », et plus encore, d’un président monarque, manquant d’écoute et d’empathie. Avec ce paradoxe pour résultat : ayant mené à bien la réforme des chemins de fer et finalement traversé sans encombre le mai de tous les dangers, il n’en tire aucun profit politique à court terme. Pas même à droite. Pis, c’est dans les catégories aisées et parmi les retraités – a priori ses meilleurs soutiens – que le décrochage est le plus brutal. Ce Président, dit-on, ne fait jamais deux fois les mêmes erreurs. Il serait bien inspiré de tirer les leçons de la séquence qui s’achève. Car les réformes les plus difficiles – chômage, retraite, réduction des déficits publics – ne sont pas derrière nous. Elles sont devant. Et sans l’appui de l’opinion…

« [Macron] retrouve à peu près le niveau à même date de Sarkozy (qui ne se redressera jamais). »

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