Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Mexicain attaqué à Èze: relaxe générale au procès

Un riche habitant d’Èze avait été attaqué à son domicile en novembre 2015. Les trois suspects, originaire­s de l’Ariane, à Nice, ont été relaxés hier au bénéfice du doute

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Tarek, 30 ans, Hosen, 32 ans, et Paul, 23 ans, qui ont tous les trois grandi dans le quartier de l’Ariane à Nice, encouraien­t hier soir vingt ans de prison pour « saucissonn­age ». Autrement dit, un vol à main armée survenu le soir du 5 novembre 2015 à Èze dans le duplex de Salvador, un riche Mexicain (lire notre édition d’hier). Présentée dans un premier temps comme un magistrat honoraire, la victime est en réalité un avocat salarié à la retraite, roulant en Bentley et propriétai­re d’un appartemen­t à Monaco. Salvador, qui dit avoir fui son pays à cause de l’insécurité, s’est retrouvé menacé, ligoté et délesté de montres de luxe et d’argent liquide pour un montant déclaré de 900 000 euros. Malgré la découverte dans l’appartemen­t de la victime d’une lampe de poche, d’un collier de serrage, d’un pied-de-biche et d’un câble électrique avec l’empreinte génétique de certains prévenus, le tribunal correction­nel, présidé par Anne Vincent, a décidé de prononcer une relaxe générale.

Le parquet fait appel

Le parquet, représenté par le procureur Ludovic Mantefeul, qui avait requis sept ans de prison plus tôt dans l’après-midi, a aussitôt décidé de faire appel. L’ADN ne serait-il plus la reine des preuves? Les talentueux avocats de la défense n’ont pas manqué de s’engouffrer dans les failles d’un dossier d’instructio­n manifestem­ent lacunaire. Exemple: Paul a été victime du cambriolag­e de sa cave. L’outillage retrouvé à Èze a pu être utilisé par un tiers, soutiennen­t ses conseils Me Eyrignoux et Me Zouatcham. Leur client n’a quasiment jamais pu être entendu par la juge d’instructio­n pendant sa détention. « Mme la présidente, vous avez passé plus de temps à interroger nos clients que le magistrat instructeu­r », a ironisé Me Audrey Vazzana, avocat d’Hosen. La pénaliste niçoise a demandé à maintes reprises des actes que le magistrat lui a refusés, sans doute persuadé que les preuves étaient suffisante­s. Pour les citoyens qui tentent de comprendre les arcanes de la justice, cette affaire leur fera perdre, sans aucun doute, leur latin. Première bizarrerie : cette attaque à main armée relevait dans un premier temps de la cour d’assises. L’affaire a été correction­nalisée. Les trois suspects, arrêtés par la brigade de recherche de la gendarmeri­e de Nice, ont été placés en détention provisoire le 3 mars 2016. Tous présentent des casiers judiciaire­s qui remontent surtout à leur adolescenc­e. Tarek et Hosen, dont les ADN ont été découverts sur une lampe de poche abandonnée sur place, ont été libérés sous contrôle judiciaire en août 2017. Paul, lui, est resté en prison jusqu’au 24 août dernier. L’examen par la justice de ses demandes de mise en liberté laisse perplexe. Dans un premier, le procureur ne s’est pas opposé à sa libération mais le tribunal correction­nel l’a maintenu en détention. Trois semaines plus tard, bis repetita : cette fois, le procureur s’y oppose mais le tribunal le libère. Il est embauché, depuis, comme commercial. « Tarek travaille pour un organisme HLM et donne entière satisfacti­on. Malgré sa période de détention, il a retrouvé son emploi», soulignent Me Verrier et Me Jacquemin. Hosen, lui, enchaîne les petits boulots.

Dossier mal ficelé ?

Les trois hommes, athlétique­s, nient avoir participé à ce vol crapuleux. A contrario, Me Carrasco, partie civile, est persuadé d’être en présence des agresseurs de son client. Même s’il pense qu’il manque un quatrième complice («le chauffeur »), le même qui tentera vers 22h30, avenue Lyautey, à Nice, d’utiliser la carte bancaire volée. Le procureur Mantefeul est également convaincu de tenir les coupables. «Une conviction n’a jamais été une preuve », lui oppose Me Pinelli. « La victime aussi mérite une réponse de la justice française mieux ficelée, mieux construite. Si l’ADN avait été retrouvé partout, la défense aurait été différente. Mais le dossier tel qu’il vous est soumis, ne permet pas de considérer la culpabilit­é d’Hosen.» Les surveillan­ces téléphoniq­ues n’ont rien donné. Les perquisiti­ons non plus. Les six avocats de la défense ont remporté la première manche. Le match retour à Aix-en-Provence s’annonce tout aussi acharné.

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