Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

«Un pont entre les cultures»

L’humoriste franco-tunisienne, Samia Orosemane, présente ce week-end son spectacle Femme de couleurs au théâtre de la Cité. Riche de son expérience et de rencontres. Entretien

- Propos recueillis par CÉLIA MALLECK

Une voix pétillante. Un humour acidulé. Et une énergie illimitée. Samia Orosemane en est un concentré. Cette humoriste franco-tunisienne passée par le Jamel Comedy club, joue depuis quatre ans un spectacle à son image : Femme de couleurs. Coloré par son expérience et ses rencontres en France et en Afrique subsaharie­nne. Composé de nombreux sketchs, notamment celui qui l’avait fait bondir sur scène: «Merci de choisir une autre religion.» Un texte écrit après l’attentat d’Ottawa en 2015 dans lequel elle s’adresse aux «intégriste­s, djihadiste­s, pianistes, cyclistes». Ce week-end, elle sera sur la scène du théâtre de la Cité pour présenter son spectacle haut en couleurs.

Votre spectacle en quelques mots ?

C’est un appel à la cohésion et au vivre ensemble, même si certains sont allergique­s à cette expression. Je dépeins des cultures variées qui font la richesse de ce spectacle. Tout le monde rit ensemble sans méchanceté, sans vulgarité. Parfois, on me dit à la sortie qu’il devrait être reconnu d’utilité publique.

Quels sont les thèmes que vous abordez ?

Le fait de ne pas avoir d’enfants, ou l’attentat d’Ottawa… Je parle de ma mère qui ne voulait pas que je me marie avec un Noir, et pire un Martiniqua­is. J’essaye de dépeindre avec humour les situations les plus dramatique­s. Ça fait rire, Ça permet de dédramatis­er et ça fait du bien.

Vous l’aviez joué il y a deux ans à Nice. Qu’est-ce qui a changé depuis ?

Il a beaucoup évolué au fur et à mesure de mes voyages en France et en Afrique subsaharie­nne. J’ai eu la chance d’inclure d’autres peuples dans mon spectacle. Et ce n’est pas fini. Plus j’avance dans mon parcours, plus de nouvelles personnes débarquent. Une fois que tout le monde l’aura vu, je passerai à autre chose.

Vous avez publié une biographie…

Il ne me serait jamais venu à l’idée de raconter mon histoire. C’est l’éditeur qui me l’a proposé. Au début, c’était facile mais plus la date d’échéance approchait, plus je paniquais. Quand le livre est sorti, j’étais soulagée. C’est difficile de raconter sa vie, le parcours chaotique, la perte de ma maman… Mais j’ai eu plein de retours positifs. Je ne m’y attendais pas.

Un parcours chaotique ?

J’ai commencé le théâtre à  ans, à Clichysous-Bois. Là, où il y a eu les émeutes en . C’était difficile de commencer, mais je savais que je voulais faire ce métier. Sauf que mes parents, comme tous les parents, ne voulaient pas en entendre parler. Je prenais des cours en cachette le soir, en leur faisant croire que je donnais des cours de soutien. Et puis, il y a eu l’entrée au conservato­ire. J’étais l’une des seules maghrébine. On me donnait souvent le rôle de la servante. Je travaillai­s à côté pour m’en sortir. Et un jour mon prof m’a dit “soit tu fais du théâtre, soit tu bouffes”. Quand tu vois ma silhouette, tu vois ce que j’ai choisi (rires). J’ai arrêté le conservato­ire. Et je me suis dit que je n’avais qu’à raconter mon histoire, sans rien inventer.

Quel regard portez-vous sur votre carrière ? J’ai le sentiment, sans vouloir être prétentieu­se, d’être parfois utile et d’aider les gens à mieux se comprendre. J’espère être un pont entre les cultures parce qu’à un moment ou un autre le spectateur reconnaît quelqu’un qu’il a pu croiser. Ce spectacle rassemble tout le monde à travers le rire et la culture. J’hallucine encore de faire ce métier et d’être aussi épanouie.

Et sur la France ?

La France est un pays magnifique avec des gens formidable­s qui sont issus de l’immigratio­n. Aujourd’hui, le problème c’est qu’on donne la parole à des personnes qui ne la mérite pas comme Zemmour qui se focalise sur des choses qui ne sont pas importante­s. C’est la politique du diviser pour mieux régner. Il faudrait laisser la parole à ceux qui nous rassemblen­t.

La figure féminine qui vous inspire le plus ?

Ce n’est pas vraiment une femme. C’est Madame Sarfati d’Élie Kakou. Je trouve que le personnage ressemblai­t à ma maman. C’est l’un de ceux qui m’a le plus motivé et qui m’a donné envie de faire ce métier.

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(Photo D.R.) Elle jouera aujourd’hui à  h  et demain à  heures.

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