Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
La zizanie
« Comment prévoir que le cadeau fiscal se transformerait en machine à fabriquer des mécontents ? »
Vous voulez semer la zizanie autour de vous ? Facile. Au café, au bureau, en famille, lancez dans la conversation les mots « taxe d’habitation ». Effet garanti. C’est à qui protestera, brandissant son avis pour démontrer qu’il s’est fait gruger. Toute la question étant de savoir par qui : le maire de votre commune ou le président de la République. Ce qui permettra de savoir avec une certitude quasi scientifique si vous avez affaire à un pro ou un anti-macronien. Pour les hausses d’impôt, c’est normal. Mais qu’une baisse fasse autant de mécontents, à notre connaissance, c’est inédit. Contestable dans son esprit (car l’autonomie fiscale est le fondement même de la démocratie locale), simple à énoncer mais coûteuse ( milliards de manque à gagner à l’horizon ) et difficile à appliquer (c’est pourquoi il a fallu procéder par étapes), la suppression programmée de la taxe d’habitation pour Français sur (devenus depuis sur pour cause de constitutionnalité) était le joker fiscal du candidat Emmanuel Macron. Son « marqueur de gauche », destiné à corriger son image de champion des CSP+. « Justice sociale ! », clamèrent ses partisans. « Pur électoralisme ! », répliquèrent ses adversaires. Comment prévoir que le cadeau fiscal se transformerait en machine à fabriquer des mécontents ? Qu’un dispositif supposé bénéficier à l’immense majorité des citoyens serait aussi critiqué que la disparition de l’ISF ? L’explication est simple. / Le dégrèvement de % pour l’année est soumis à conditions de ressources, tous n’en profiteront pas. / L’Etat rembourse « à l’euro près » sur la base de ; mais les communes fixent librement leur taux d’imposition et environ d’entre elles – par nécessité financière, ou parce qu’elles ne croient pas aux promesses du gouvernement, ou avec l’espoir naïf qu’une hausse camouflée sous la baisse passerait inaperçue – ne se sont pas privées de les augmenter en . Parfois massivement. Résultat, la « baisse » de la TH a réussi à fâcher : • Ceux qui n’y ont pas droit. • Ceux qui pensaient y avoir droit. • Ceux qui estiment qu’ils devraient y avoir droit. • Ceux qui avaient mal écouté et croyaient que la taxe allait sauter dès cette année. • Ceux qui voient leur imposition augmenter. • Ceux qui la voient baisser, mais moins qu’annoncé. • Ceux qui détestent leur maire (hashtag BalanceTonMaire). • Ceux qui ne peuvent pas encadrer Macron. • Ceux qui se trompent (les contribuables ne sont pas des experts fiscalistes) et imputent à leur maire, ou à Macron, une hausse qui résulte de changements dans leur situation personnelle et familiale. Des satisfaits, il y en a sûrement beaucoup parmi millions de bénéficiaires (selon Bercy) ; mais sur les réseaux sociaux, ils sont invisibles. Sur les antennes, inaudibles. Dans La Zizanie, la BD de Goscinny et Uderzo, le premier geste du perturbateur envoyé par Rome pour semer la pagaille parmi les « Gaulois réfractaires » est d’offrir un cadeau à Astérix. A partir de là, ça dégénère. Mais tout finira par s’arranger. Alors…