Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Alice Modolo, la petite sirène
L’Azuréenne visite les fonds marins. Avant de plonger, un travail au sec est indispensable. La championne de France d’apnée en poids constant multiplie les disciplines pour s’entraîner...
Derrière des minutes passées dans les abysses se cachent souvent des heures un peu moins plaisantes. Beaucoup plus fastidieuses. Alice Modolo a beau descendre jusqu’à 88 mètres de profondeur, l’essentiel de son entraînement se fait sur la terre ferme. Surtout dans cette période hivernale et de préparation avant une saison sportive débutant avec les beaux jours.
Implication totale
La grâce de l’apnée monopalme fait donc place à l’abnégation face à une barre de musculation. Entre les étroits murs gris d’une salle de crossfit, la vice-championne du monde se prépare à affronter l’immensité des profondeurs marines. Dans un emploi du temps chargé avant de partir en Polynésie cette semaine, la chirurgien-dentiste de profession ne néglige jamais ses trois à quatre séances par semaine. Si utiles et efficaces. « Ça m’apporte de la coordination et une préparation physique complète et générale. En plus, c’est une discipline aux gestes très précis comme l’apnée, détaille-telle essoufflée au sortir d’une heure de séance. J’ai besoin de me mettre dans le dur, car une sortie en mer est tout aussi éprouvante. » D’où cette implication totale, au bout de l’effort, au bout de soi-même. Néanmoins la forme physique n’est qu’un des facteurs de la performance. Sous l’eau, il faut savoir gérer son air. Non pas pour respirer mais pour l’économiser. L’apnéiste travaille ainsi sur son diaphragme et la souplesse de sa cage thoracique. « J’ai besoin de me recentrer sur moi avant de plonger. Deux fois par semaine je fais du yoga et des exercices techniques de respiration. J’ai également ma routine quotidienne d’un quart d’heure. » S’ajoutent à cela, des sorties hebdomadaires palmes aux pieds dans la Grande Bleue pour garder contact avec l’élément épanouissant qu’est la mer.
Le mental d’abord !
Pourtant, même si le menu est déjà copieux, un dernier ingrédient est indispensable à une descente réussie : le mental. La recordwoman de France continue d’avoir ce besoin d’imagerie mentale avant de se lancer à l’assaut des fonds marins. «En plongeant, je bascule dans un univers dans lequel je sais qu’il y aura une phase où je serai dans l’inconfort, à 90 m. C’est comme si j’étais écrasée par un poids lourd de 15 tonnes, présente-elle. Avant de me lancer j’ai toujours mon moment à moi pour me concentrer ». Afin de favoriser ce déclic, de rentrer dans sa bulle, Alice Modolo fait appel à ses souvenirs. « Par exemple, durant cette nage avec les mammifères marins (pour une campagne de sensibilisation), je vais en prendre pleins les yeux. À l’approche de la compétition, quand il faudra oser, ça m’aidera à appréhender le plongeon plus positivement ». Des paysages polynésiens bien loin du fond de la piscine chlorée de ClermontFerrand, celle de ses débuts. À 34 ans, un objectif guide ses exploits, un peu comme le filin accompagne chacune de ses descentes. Sans se fixer de date, franchir la mythique barre des 100 mètres titille la sirène des temps modernes. « Symboliquement, c’est la barrière de l’autre monde. J’adorerai être la première française à y parvenir. » Pourquoi pas dans la baie de Villefranche-sur-Mer, cadre de ses entraînements et de ses prochaines compétitions estivales. La symbolique serait belle pour cette azuréenne d’adoption depuis six ans désormais. D’où tous ces entraînements sur la terre pour performer en mer.