Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Comment Wauquiez a rétréci la droite

- CLAUDE WEILL Journalist­e, écrivain et chroniqueu­r TV edito@nicematin.fr

Pierre Charon, vieux complice de Nicolas Sarkozy, a le physique rond et la dent pointue. Son dernier bon mot pourrait lui valoir le prix de la vacherie politique  : « J’ai assisté hier au Bureau politique à une veillée funèbre, sauf que le mort continuait de parler ». Laurent Wauquiez est-il mort politiquem­ent ? On n’en jurerait pas. L’homme a de la ressource. Et l’histoire politique est riche en résurrecti­ons. Il n’empêche. Voilà le président des Républicai­ns aussi criblé de flèches que Saint-Sébastien. Pour tous ceux qui à la direction du parti ne l’aiment pas et ne l’ont jamais aimé (cela fait du monde !), le désastre du  mai, c’est lui. Et quel désastre ! Moins de , % des voix, quand les sondages en promettaie­nt  ou plus. Moins de  millions de voix, deux fois moins qu’en  (avec  millions de votants de plus). Le plus bas score historique de la droite de gouverneme­nt à un scrutin national, toutes élections et toutes République­s confondues. Un crash comparable à celui du PS en . « À droite, la poutre travaille encore », a coutume de dire E. Philippe. Elle est tombée sur la maison. Sans doute, un tel naufrage collectif ne peut pas être le fait d’un seul homme. Beaucoup ont une part de responsabi­lité. Mais enfin, ce sont bien la stratégie du chef, son positionne­ment, ses choix qui ont été sanctionné­s. Il nous souvient d’avoir écrit ici même, en  : Laurent Wauquiez a été élu président de LR ; il lui reste à le devenir. C’est-à-dire rassembler sa famille, s’élever au-dessus des clans et des courants. Chercher le consensus. Il a fait le contraire. Refusant les synthèses molles, il a choisi une ligne radicale, délibéréme­nt clivante, centrée sur l’identité de la France, l’immigratio­n, la célébratio­n des racines chrétienne­s, le conservati­sme sociétal. Et l’antimacron­isme systématiq­ue. Une « droite vraiment de droite », disait-il. Oublié le libéralism­e économique qui était au coeur de la campagne de F. Fillon. Objectif : reconquéri­r l’électorat populaire parti chez Marine Le Pen. Quant à la droite modérée et européiste - disons juppéiste qui flirtait avec Macron, inutile de lui courir après. Elle reviendrai­t d’ellemême le moment venu. Cette stratégie, scellée par le choix de François-Xavier Bellamy comme tête de liste, a produit le résultat qu’on sait. Les milieux populaires n’ont pas reflué, l’hémorragie s’est même aggravée : , % seulement ont voté LR le  mai ;  % pour le Rassemblem­ent national (sondage Harris). Dix fois plus ! Les CSP +, eux, ont filé à la République en marche :  % ont voté LR,  % LREM. Un exemple qui dit tout : à Neuilly, ville symbole de la droite, berceau du sarkozysme, la liste présidenti­elle obtient  % des suffrages, les Républicai­ns . Au total, parmi les électeurs de Fillon en  qui sont allés aux urnes ce dimanche, un gros tiers seulement a voté LR. Un quart LREM.  à  % RN. Oh, F.-X. Bellamy n’est pas en cause. L’homme est brillant, éloquent, courtois. La presse de droite l’a couvert d’éloges. Avec lui, la droite était « de retour ». Ses électeurs l’ont beaucoup apprécié, et à  %, ils ont jugé sa campagne très réussie (IFOP). Le problème est qu’il s’adressait aux convaincus : une frange du peuple de droite, le noyau dur de l’électorat LR, la droite des valeurs. Son public. Enthousias­me trompeur de ces meetings où l’on se retrouve entre soi. Tant de politiques s’y sont laissés prendre (n’estce pas, Jean-Luc Mélenchon ?), qui confondent leurs militants avec le peuple tout entier. Ça ne pardonne pas.

« Un tel naufrage collectif ne peut pas être le fait d’un seul homme. »

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