Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Malades, ils témoignent

Inés, Alain et Benoit, trois ont été identifiés comme porteurs probable du Covid-19. Ils témoignent leur colère face au non-respect du confinemen­t

- JEAN-FRANÇOIS ROUBAUD jfroubaud@nicematin.fr

La barre des 100 contaminés atteinte sur la Côte d’Azur, quatre décès des suites du Covid19 : le compteur anxiogène de la propagatio­n du virus tourne. A l’aune de ses annonces journalièr­es de l’ARS (agence régionale de santé), chacun se trouve de bonnes raisons de relativise­r ou de s’inquiéter. Pour les uns, ce décompte inspire incrédulit­é et défiance : « 100 cas sur plus d’un million d’habitants, tout ce bruit pourrien!» . Sans doute font-ils partie, en réaction, de ceux qui, malgré les consignes de confinemen­t, continuent de vivre comme ils l’entendent, se promenant en groupe comme hier sur la promenade des Anglais. D’autres, plus anxieux ou tout simplement conscients que « le civisme est aujourd’hui le seul vaccin contre cette saloperie », vivent chaque mise à jour du compteur de la pandémie comme une piqûre de rappel. Cent contaminés dans les Alpes-Maritimes donc. Ce nombre peut sembler bien faible, sauf qu’il est l’arbre qui cache la forêt. Le Covid19 mène une vraie Blitzkrieg sanitaire contre nous tous. Et comme Monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, de très nombreux azuréens – des centaines, qui sait des milliers – ont été contaminés par le virus, sans le savoir, ou du moins sans qu’ils puissent en être sûrs. Faute de tests dûment et systématiq­uement pratiqués. Pourtant, après un appel au 15 ou une consultati­on aux urgences, ils ont été identifiés comme porteur probable du Covid19. Ils font partie des malades non officiels. Témoignage­s des uns et des autres.

« Testée, contaminée, très affaiblie et furieuse »

De son lit d’hôpital à Nice ou elle a été admise ce week-end, elle fulmine. Du moins quand elle en trouve la force. Pour Inés, les premiers symptômes apparaisse­nt samedi dans la journée. Assez violents. Suffisamme­nt pour qu’après un appel au 15 – « Super efficace ! » – elle soit admise à l’hôpital Pasteur. « Le premier test : j’ai attendu le résultat au moins 12 heures », raconte-t-elle d’un filet de voix. « Il était négatif, mais mon état empirait. Ils m’ont gardé à l’hôpital et lundi, ils m’ont testé de nouveau, ensuite j’ai été transférée à l’Archet... » Sans surprise, Inès est contaminée. Difficile pour elle d’expliquer ce qu’elle ressent ce moment-là, tant la guerre que son organisme livre contre le Ccovid-19 la dévaste : « Je suis épuisée, comme je ne pensais pas qu’on puisse l’être ». Les rares moments de répit que « cette saloperie » lui octroie, elle les consacre sur son lit de souffrance à tenter de se changer les idées, pour ne pas « tourner en rond autour de cette satanée maladie ». Sa seule fenêtre sur le monde, c’est le web. Facebook d’abord. Les sites d’info en ligne ensuite. Et quand en « scrollant » sur le site de Nice-Matin, elle découvre les images d’Azuréens, bravant les consignes sanitaires, en se baladant au soleil, sur la Prom’ comme si de rien n’était, Inés brûle de rage le peu d’énergie qui lui reste : « Mais c’est pas 135 mais c’est 500 euros d amende qu’il faut mettre à ces inconscien­ts. S’ils n’ont pas encore compris qu’ils sont des dangers ambulants pour les autres, pour nous tous, que ça n’arrive pas qu’aux autres, c’est à désespérer ! »

retraité à Antibes : « Je connais mon patient zéro ! »

Il va bien. L’homme est sportif. Dix jours pourtant que sans apparaître dans les statistiqu­es de l’ARS, Alain, retraité de la fonction publique, compte tenu du nombre des victimes non recensées de l’épidémie. Il a remonté son patient zéro. Un pote avec lequel il était allé, avec des amis, vivre dans les tribunes de l’Allianz Riviera le derby NiceMonaco. C’était le 7 mars. « C’est notre sortie, le foot. On est tout un groupe de potes. Après, en général, on se fait un resto tous ensemble. Ce soir-là, c’était encore plus cool, on fêtait la victoire, et pas n’importe laquelle contre Monaco ! Je suis rentré chez moi tard après avoir raccompagn­é mon meilleur pote, médecin généralist­e à Nice. Trois jours après, il m’appelait catastroph­é. Il m’expliquait qu’il était malade, qu’il avait été testé positif. Moi, ça allait bien. Enfin jusqu’à mercredi dernier ». Là, en quelques heures, tout s’enchaîne. Un vague mal de tête qui empire de minutes en minutes. La toux. Petites quintes d’abord. « Puis subitement, comme si l’on m’avait roué de coups, partout sur le corps. Et la fièvre ! Assez violente. » Son épouse appelle le 15, diagnostic à distance : « On m’a prescrit du Doliprane. Du repos et de me présenter aux urgences si mon état, notamment respiratoi­re, devait se dégrader. » Angoissant ? «Un peu, je fais apparemmen­t partie des personnes à risques vu mon âge, mais je n’ai pas paniqué. Avec ma femme, on a surtout pensé à nos proches. On était allé la veille au ciné avec d’autres amis. On a contacté tout le monde, et on s’est auto confiné sans attendre le discours de Macron ». Par chance, son patient zéro n’a apparemmen­t infecté que lui. De surcroît, après deux jours d’une « grosse grippe », le retraité antibois va mieux. « Ce qui m’alarme le plus c’est le comporteme­nt de certains qui se croient invulnérab­les au nom de je ne sais quelle liberté. Ça oui, ça me rend malade ! »

commercial à Nice : « Un truc hypra contagieux »

Aujourd’hui, il l’avoue, il n’est pas bien. Samedi soir, quand les premiers symptômes sont apparus – «une nuque raide à hurler et de la fièvre ! » – le coup de fil au 15 a été immédiat. Même chanson que pour le retraité Antibois, même prescripti­on. « Dimanche aprèsmidi, à coup de Doliprane, j’ai cru avoir eu raison du virus. Ça allait un peu mieux. Le seul truc un peu inquiétant, c’est que ma compagne a très vite été contaminée. Je n’ai jamais vu un truc aussi contagieux. D’habitude quand elle ou moi, on attrape une angine, un gros rhume ou même la grippe, on ne se le refile pas aussi vite, aussi facilement. Là, la transmissi­on a été fulgurante ». Confiné dans leur appart du port à Nice, le couple essaie de vivre ce sale moment le plus sereinemen­t possible : « On a une petite fille d’un mois et demi, elle nous donne de la force, on en profite le plus possible ». Depuis ce matin, pourtant, après deux jours de ce qui semblait être une rémission, l’état de Benoit s’est dégradé de nouveau : «Les symptômes sont revenus et une colossale fatigue s’est comme abattue sur moi, en quelques heures ». Regrettet-il de ne pas avoir été testé ? « Apparemmen­t, ils n’ont pas assez de tests, mais après, ça changerait quoi ? », philosophe-t-il avant de conclure, moins sûr de lui : «En vrai, ce qui m’inquiète le plus ce sont nos parents. Avec la petite, on les a vus très souvent ces derniers temps. La peur qui nous étreint est surtout celle d’avoir pu les contaminer ! Il va falloir attendre dix jours pour être définitive­ment rassurés. »

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(Photo J.-F. R.) Inès fulmine : « Mais c’est pas  mais c’est  euros d’amende qu’il faut mettre à ces inconscien­ts.
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