Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

« On nous a mis en danger » : des enseignant­s inquiets

Face aux conditions dans lesquelles on leur demande d’accueillir des enfants de soignants, des enseignant­s pourtant volontaire­s, estiment être mis en danger par l’Éducation nationale

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

La mobilisati­on est générale. Depuis lundi, 1100 enseignant­s des Alpes-Maritimes se sont portés volontaire­s pour accueillir les enfants du personnel soignant sans solution de garde (nos éditions d’hier). Soit 567 élèves dans le départemen­t. Un mouvement de solidarité salué par le recteur, Richard Laganier. Si des nettoyages ont été effectués par les collectivi­tés territoria­les certaines classes ayant servi de bureaux de vote - des enseignant­s, bien que volontaire­s, estiment pourtant être mis en danger. Et le disent sur les réseaux sociaux. Au rectorat, on indique qu’aucune remarque de ce genre n’est remontée par voie hiérarchiq­ue. De quoi faire bondir Stéphanie, directrice d’école niçoise(1). « Je suis inquiète, forcément. Ces enfants de soignants peuvent être porteurs asymptomat­iques. Leurs parents travaillen­t au contact des malades. Nous aussi pouvons d’ailleurs potentiell­ement être malades sans le savoir. Il n’y a pas de remontées au rectorat ? Quand je m’en suis ouvert à mon inspectric­e de circonscri­ption, elle m’a répondu qu’on n’était pas proche des enfants tout le temps ! C’est méconnaîtr­e totalement la réalité. Un enfant, on lui donne la main, on l’accompagne. »

« Assaillis de courriers »

La directrice dénonce une improvisat­ion totale. « À l’école Papon à Nice, les enfants devront se déplacer dans une autre école, Pierre-Merle, pour déjeuner... Depuis le début de la semaine, ça tâtonne,

Des enseignant­s inquiets face à l’accueil des enfants de soignants.

tout a été fait à l’arrache. On nous a mis en danger en espérant que ça allait le faire. Etre volontaire OK, mais il faut que ce soit dans un cadre sécuritair­e pour tout le monde. Depuis les vacances de février on n’a jamais eu de gel hydroalcoo­lique, ce n’est que mardi qu’on a fini par en recevoir. En revanche, toujours pas de masques ! On nous dit que ce sont les instructio­ns du ministère de la Santé, qu’il n’y en a pas besoin. » À Saint-Laurent-du-Var, Christian (1), enseignant volontaire également, a pris le parti de rester éloigné des enfants, de ne pas toucher aux cahiers, aux ballons, aux règles. Des mesures d’autoprotec­tion au doigt mouillé. «Onsedépato­uille comme on peut. Je n’oublie pas que les enfants peuvent être porteurs sains, comme nous. » Au SNUIPP, le syndicat représenta­tif, on indique être « assailli » de courriels inquiets. « Il est invraisemb­lable de dire qu’il n’y a pas eu de remontées, proteste Gilles Jean, secrétaire départemen­tal. Nous avons lancé l’alerte auprès du recteur hier dans un courrier. Les enseignant­s sont volontaire­s, mais cela devait se faire dans des conditions d’hygiène irréprocha­bles. Dans les faits il manque gants, gels ou masques un peu partout. Je pense que certains vont renoncer face à ces conditions. »

« Cynisme absolu »

À Contes, un professeur des écoles confie également son inquiétude vis-à-vis des mesures de protection : « On dit qu’il faut éviter le contact, mais comment voulez vous faire avec des petits ?. » Une autre professeur­e des écoles, niçoise, est désabusée : « Ces gens sont d’un cynisme absolu et se moquent totalement de notre sécurité sanitaire. Ils ne feront pas remonter les besoins du terrain et ne prendront pas notre défense. Les professeur­s dans leur grande majorité veulent aider en gardant les enfants des soignants mais on ne peut pas leur demander cela au péril de leur propre santé et de celle de leurs proches. » 1. Le prénom a été modifié, le personnel de l’Éducation nationale n’étant pas autorisé à s’exprimer sans l’aval de sa hiérarchie.

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(Photo archives N.M.)
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