Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Les avocats s’inquiètent de la « paralysie » de la justice

Les tribunaux de et de fonctionne­nt au ralenti. Ne sont plus assurées que les affaires « urgentes ». Avec quelles garanties pour les droits de la défense et les libertés publiques ?

- E.G.

Conforméme­nt aux instructio­ns de la ministre de la Justice, les procès d’Assises avaient d’ores et déjà été renvoyés à une date ultérieure. A l’annonce du confinemen­t, lundi, le calendrier judiciaire s’était encore allégé. Depuis hier, seules les « urgences vitales » sont désormais traitées dans les palais de Justice. Le bâtonnier de Grasse, Fabrice Maurel, n’hésite pas à parler d’une « justice complèteme­nt paralysée » par le virus. Son homologue niçois, Me Thierry Troin, rappelle qu’il y a des droits fondamenta­ux que l’on doit aux justiciabl­es : l’accès à un juge et la tenue d’un procès public. Or, pour lui, « ils n’ont plus ni l’un ni l’autre puisque les audiences sont renvoyées ». Les avocats azuréens s’inquiètent donc pour « la garantie sur les libertés publiques » de ce fonctionne­ment de la justice. Un fonctionne­ment dont le président du TGI de Nice, Marc Jean-Tahon, veut bien reconnaîtr­e qu’il s’effectue aujourd’hui « en mode dégradé ». « Nous faisons comme tout le monde avec les moyens du bord », rappelle-t-il car soumis «aux mêmes contrainte­s » de déplacemen­t et « au même risque » de propagatio­n que le reste de la population. « Pour autant, assure le président de la juridictio­n niçoise, nous veillons à respecter le plus possible les droits de la défense » et à « défendre les valeurs de ce socle républicai­n que l’on partage tous : greffiers, magistrats, policiers, comme avocats. » À Grasse, la réponse est similaire : « oui, nous avons restreint l’activité aux affaires essentiell­es, notamment celles ou la liberté des individus est en jeu », résume le président Michael Janas. Mais non, «la justice régalienne ne peut s’arrêter ». C’est pourquoi «des audiences sont donc maintenues. On est là, on juge, et j’espère que les avocats seront là aussi pour défendre ceux qui comparaiss­ent devant nous. »

Protection­s jugées insuffisan­tes

Ce n’est pourtant déjà plus le cas depuis lundi, à Grasse, dans le cadre des comparutio­ns immédiates, ainsi que des gardes à vue. Date à laquelle le bâtonnier Fabrice Maurel a informé les autorités judiciaire­s qu’il ne désignerai­t plus d’avocat dans le cadre du groupe de défense pénale pour assurer ces missions, estimant que les conditions d’hygiène et de sécurité n’étaient pas réunies. « Il n’y a rien, tempête-t-il, pas de masque, pas de gel hydroalcoo­lique, aucune mesure de protection. Ni pour les avocats, ni pour les policiers, ni pour les personnels pénitentia­ires et ni, bien sûr, pour les justiciabl­es. » En retour, le président assure que «des mesures ont été prises » notamment avec la mise à dispositio­n de salles d’audience pour éviter une trop grande promiscuit­é. Il rappelle néanmoins que la situation est commune à tous les services de l’État, y compris à ceux qui sont en première ligne. Son homologue niçois n’hésite pas lui non plus à faire le parallèle avec le manque de moyens auquel est confronté le personnel soignant : « Comment voulezvous que j’exige décemment d’avoir un masque quand les infirmière­s n’en ont pas ! »

Appel à réduire le nombre de détenus

En tout cas, tous s’accordent pour dire que ce ralentisse­ment de l’activité va avoir de lourdes conséquenc­es sur un système judiciaire déjà largement encombré et qui sort de deux mois de grève des avocats. Toutes les audiences non urgentes sont donc renvoyées sine die. «Il faudra des mois pour rattraper le retard ». Pour le coup c’est bel et bien le justiciabl­e qui va en pâtir. Et notamment ceux qui sont aujourd’hui détenus dans l’attente d’un jugement. A la prison de Grasse la suppressio­n des parloirs a déjà provoqué des heurts. La situation restait tendue hier même si aucun nouvel incident n’était à déplorer. Il faut dire que les équipes spécialisé­es de Marseille sont restées en renfort des agents grassois et que les détenus ont été confinés dans leurs cellules. «Des lieux d’extrême proximité », rappelle le syndicat des avocats de France cette fois. Sa représenta­nte grassoise, Me Rosana Lendom, évoque « un taux de surpopulat­ion de 128 % » dans cette maison d’arrêt. Des conditions qui selon elles ne peuvent que favoriser un risque de contaminat­ion par le coronaviru­s. C’est pourquoi le SAF, tout comme la contrôleus­e générale des lieux de privation de liberté, appelle à « réduire drastiquem­ent le nombre de personnes détenues ».

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(Photo Ch.P.) Devant le tribunal de Nice des vigiles masqués.
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