Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
« N’arrêtez pas vos traitements »
Covid-19 n’a pas éradiqué les autres affections. Or beaucoup de malades chroniques s’inquiètent des interactions de leurs médicaments avec le virus et sont tentés de les suspendre. Attention, danger
Le professeur Atul Pathak est chef de service de cardiologie au centre hospitalier Princesse-Grace à Monaco. Il est aussi vice-président de la Société française d’hypertension artérielle et président de la société européenne d’éducation thérapeutique. Il met en garde contre les informations erronées qui circulent et incitent certains patients à suspendre leurs traitements. Au risque de faire partie des victimes collatérales du coronavirus.
Les patients ayant un antécédent cardio ou cérébrovasculaire (AVC) ont-ils un risque accru de développer des formes sévères de l’infection virale à Covid ?
Bien que le taux de mortalité réel lié à cette infection reste indéterminé, il pourrait en effet être plus élevé chez les patients âgés de plus de ans ou ayant une comorbidité telle qu’une pathologie cardiovasculaire, un diabète ou une hypertension artérielle (HTA).
Si un patient à risque manifeste des symptômes cardiovasculaires dans cette période d’épidémie, comment faut-il les interpréter ?
Les symptômes cardiovasculaires peuvent être le fait d’une décompensation de la maladie dont le patient est porteur, mais aussi être le témoin du syndrome d’infection virale. La myocardite (inflammation ou infection du myocarde) en particulier est une présentation possible de l’infection à Covid-.
Dix à douze millions de patients (hypertendus, diabétiques, coronariens, insuffisants cardiaques) sont actuellement traités par des médicaments L’hypothèse selon laquelle les médicaments utilisés notamment contre l’hypertension favorisent l’infection est erronée selon le Pr Pathak (en médaillon), de Monaco. Pourquoi les a-t-on suspectés de favoriser le Covid- ?
(Photo d’illustration F.C. et DR)
dont on a dit qu’ils favorisent l’infection à Covid. Ce qui a provoqué une véritable panique. Quels sont ces médicaments et cette hypothèse est-elle fondée ?
Cette hypothèse est totalement erronée ! Les médicaments auxquels vous faites référence sont appelés bloqueurs du système rénine angiotensine aldostérone ou SRAA. Ils sont reconnaissables par le suffixe « pril », « sartan « ou « none » (exemples : captopril, losartan, spironolactone).
Cette hypothèse repose sur le fait que les infections Sars-CoV (responsables du Sars en et aujourd’hui du Sars-Cov-) pourraient être déclenchées par la liaison d’une protéine virale à une enzyme nommée « enzyme de conversion de l’angiotensine », très présente dans les poumons mais également dans le coeur. Sachant que l’expression de cette enzyme peut être influencée par les médicaments que j’ai cités, on a conclu que le traitement par ces médicaments favorise l’infection à Covid.
Et c’est faux.
C’est même le contraire ! Ces traitements sont indispensables pour le contrôle de la tension artérielle, mais aussi la protection cardiovasculaire (CV) autant chez les personnes qui ont déjà été victimes d’affections CV que chez celles à risque.
En pratique, quelles sont vos recommandations ?
Les patients, même s’ils sont à risque d’infection à Covid- (antécédents de maladies cardiovasculaires), doivent maintenir le traitement par bloqueurs du système rénine angiotensine. Concernant les cas sévères, l’évaluation doit se faire au cas par cas.
Le ministre de la Santé a mis en garde contre les antiinflammatoires. L’aspirine en est un. Or, il est très utilisé en cardiologie. Que faut-il en penser ?
Il est préférable de ne pas utiliser d’’anti-inflammatoires dans le contexte actuel. Ces médicaments masquent en effet certains symptômes liés à l’infection et pourraient même aggraver l’infection par Covid. Concernant l’aspirine, il a certes des effets anti-inflammatoires mais à des dosages très importants, à fois plus élevés que ceux prescrits en cardiologie aux patients ayant fait un accident cardio ou cérébro-vasculaire. Surtout, encore une fois, l’aspirine que nous donnons, ne doit pas être arrêtée.
Pour conclure ?
Il ne faut absolument pas interrompre ses médicaments sans avis médical au risque d’aggraver la maladie cardiovasculaire. Elle nécessitera alors potentiellement une hospitalisation et donc un risque accru d’infection par le Covid. On reste donc chez soi, on prend ses médicaments et au moindre doute on appelle son médecin.