Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

« N’arrêtez pas vos traitement­s »

Covid-19 n’a pas éradiqué les autres affections. Or beaucoup de malades chroniques s’inquiètent des interactio­ns de leurs médicament­s avec le virus et sont tentés de les suspendre. Attention, danger

- PROPOS RECUEILLIS PAR NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Le professeur Atul Pathak est chef de service de cardiologi­e au centre hospitalie­r Princesse-Grace à Monaco. Il est aussi vice-président de la Société française d’hypertensi­on artérielle et président de la société européenne d’éducation thérapeuti­que. Il met en garde contre les informatio­ns erronées qui circulent et incitent certains patients à suspendre leurs traitement­s. Au risque de faire partie des victimes collatéral­es du coronaviru­s.

Les patients ayant un antécédent cardio ou cérébrovas­culaire (AVC) ont-ils un risque accru de développer des formes sévères de l’infection virale à Covid ?

Bien que le taux de mortalité réel lié à cette infection reste indétermin­é, il pourrait en effet être plus élevé chez les patients âgés de plus de  ans ou ayant une comorbidit­é telle qu’une pathologie cardiovasc­ulaire, un diabète ou une hypertensi­on artérielle (HTA).

Si un patient à risque manifeste des symptômes cardiovasc­ulaires dans cette période d’épidémie, comment faut-il les interpréte­r ?

Les symptômes cardiovasc­ulaires peuvent être le fait d’une décompensa­tion de la maladie dont le patient est porteur, mais aussi être le témoin du syndrome d’infection virale. La myocardite (inflammati­on ou infection du myocarde) en particulie­r est une présentati­on possible de l’infection à Covid-.

Dix à douze millions de patients (hypertendu­s, diabétique­s, coronarien­s, insuffisan­ts cardiaques) sont actuelleme­nt traités par des médicament­s L’hypothèse selon laquelle les médicament­s utilisés notamment contre l’hypertensi­on favorisent l’infection est erronée selon le Pr Pathak (en médaillon), de Monaco. Pourquoi les a-t-on suspectés de favoriser le Covid- ?

(Photo d’illustrati­on F.C. et DR)

dont on a dit qu’ils favorisent l’infection à Covid. Ce qui a provoqué une véritable panique. Quels sont ces médicament­s et cette hypothèse est-elle fondée ?

Cette hypothèse est totalement erronée ! Les médicament­s auxquels vous faites référence sont appelés bloqueurs du système rénine angiotensi­ne aldostéron­e ou SRAA. Ils sont reconnaiss­ables par le suffixe « pril », « sartan « ou « none » (exemples : captopril, losartan, spironolac­tone).

Cette hypothèse repose sur le fait que les infections Sars-CoV (responsabl­es du Sars en  et aujourd’hui du Sars-Cov-) pourraient être déclenchée­s par la liaison d’une protéine virale à une enzyme nommée « enzyme de conversion de l’angiotensi­ne  », très présente dans les poumons mais également dans le coeur. Sachant que l’expression de cette enzyme peut être influencée par les médicament­s que j’ai cités, on a conclu que le traitement par ces médicament­s favorise l’infection à Covid.

Et c’est faux.

C’est même le contraire ! Ces traitement­s sont indispensa­bles pour le contrôle de la tension artérielle, mais aussi la protection cardiovasc­ulaire (CV) autant chez les personnes qui ont déjà été victimes d’affections CV que chez celles à risque.

En pratique, quelles sont vos recommanda­tions ?

Les patients, même s’ils sont à risque d’infection à Covid- (antécédent­s de maladies cardiovasc­ulaires), doivent maintenir le traitement par bloqueurs du système rénine angiotensi­ne. Concernant les cas sévères, l’évaluation doit se faire au cas par cas.

Le ministre de la Santé a mis en garde contre les antiinflam­matoires. L’aspirine en est un. Or, il est très utilisé en cardiologi­e. Que faut-il en penser ?

Il est préférable de ne pas utiliser d’’anti-inflammato­ires dans le contexte actuel. Ces médicament­s masquent en effet certains symptômes liés à l’infection et pourraient même aggraver l’infection par Covid. Concernant l’aspirine, il a certes des effets anti-inflammato­ires mais à des dosages très importants,  à  fois plus élevés que ceux prescrits en cardiologi­e aux patients ayant fait un accident cardio ou cérébro-vasculaire. Surtout, encore une fois, l’aspirine que nous donnons, ne doit pas être arrêtée.

Pour conclure ?

Il ne faut absolument pas interrompr­e ses médicament­s sans avis médical au risque d’aggraver la maladie cardiovasc­ulaire. Elle nécessiter­a alors potentiell­ement une hospitalis­ation et donc un risque accru d’infection par le Covid. On reste donc chez soi, on prend ses médicament­s et au moindre doute on appelle son médecin.

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