Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Grande distribution : « Les clients nous disent merci »
Après la ruée sur les produits de première nécessité, la situation serait sur le point de s’apaiser dans les supérettes et les hypermarchés Chez les clients, on peut voir le meilleur… comme le pire
Anny Courtade, « patron » de Leclerc (parce que le monde des affaires, pour elle, n’a pas de genre) n’en croit pas ses yeux. « Jamais je n’aurais imaginé que cela puisse se produire de mon vivant » ,sedésole l’octogénaire mais hyperactive présidente de l’AS Cannes Football. La ruée sur ce que la grande distribution désigne par un ratio, 20/80, soit les 20 % de produits les plus vendus en magasin, l’a sidérée. Pâtes, riz, sucre, huile. « À quoi il faut ajouter le papier hygiénique, sans aucun lien avec les symptômes décrits dans le cadre de ce virus. C’est incompréhensible. » Si elle admet que, dans les quarante-huit heures ayant précédé l’annonce du confinement, une partie de la population ait pu s’inquiéter de manquer d’un peu de tout, elle le martèle : « Nous n’avons absolument aucune difficulté d’approvisionnement. » Dans son entreprise, les salariés sont dotés de masques, de gel, de gants. Des écrans de plexiglas équipent les caisses et l’accueil. Et la distance d’un mètre est matérialisée au sol, soulignée si besoin par des vigiles. « Dans l’ensemble, les clients comprennent. Et moi, je veux rendre hommage à nos employés. Après le personnel soignant, ce sont eux qui sont sur le pont pour ravitailler la France entière. »
« D’utilité publique »
Anny Courtade a raison. On allait l’oublier, sans les caissières et sans le personnel en rayon, point de salut pour l’alimentation. Mardi encore, en haut de Gorbella, à Nice, la file d’attente s’étirait sur tout le parvis, depuis les portes de Carrefour jusqu’à la station-service. «Des gens se battaient pour passer devant », constate Dominique Larose, responsable du commerce àlaCGT06. « Au risque de paraître vulgaire, il y en a, on dirait qu’ils ont plus peur de crever de faim que de mourir du coronavirus. » Ces comportements « irrationnels », cette agressivité « exacerbée par la crainte » , rien de tout cela ne suffit à convaincre les impatients de se précipiter dans les allées. Dès 8 h 30. Au mépris du fameux mètre de sécurité. Toujours à Nice, à Désambrois, un membre du personnel s’est fait insulter pour avoir osé demander à un retraité très âgé de respecter cette distance de sécurité. Une représentante de la direction évoque des incidents très heureusement minoritaires. Et se félicite du soutien dont les caissières bénéficient le plus souvent : « Des clients nous disent merci. Finalement, nous ne sommes pas si nombreux à aller bosser tous les jours. Si bien que nous avons le sentiment d’exercer un métier d’utilité publique. Cette dimension, jusqu’à présent, on ne la mesurait pas. Les gens découvrent que le commerce d’alimentation, c’est important. »