Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Une quarantaine mal perçue à Villefranche
Construit en 1669, le lazaret a été conçu pour mettre en quarantaine les passagers des navires soupçonnés d’être porteurs de maladies. Il a fonctionné jusqu’en 1885, quartier de la Darse
L’institution d’un port franc à Villefranche au début du XVIIe siècle entraîne l’arrivée dans la rade de navires de commerce venus du Levant, d’Amérique du Sud ou de France avec leurs flots de marins et de cargaisons. Afin de se protéger contre les épidémies apportées autant par les hommes que par les marchandises, Charles Emmanuel II, duc de Savoie et prince de Piémont, décide en 1669 de faire construire, dans le quartier de la Darse, un lazaret chargé d’accueillir les passagers des navires soupçonnés d’être porteurs de maladies infectieuses.
Pas toujours transparent
C’est le capitaine du port de Villefranche qui est chargé de monter à bord des navires mouillant dans la rade et de contrôler les certificats de santé des passagers en vérifiant leurs pays d’origine. Dans le doute, les marins ou capitaines sont transportés à terre et placés en quarantaine, la durée n’étant du reste pas forcément de quarante jours mais se situant cependant à un minimum de cinq jours quand tout risque de contagion est écarté. Peu de traces attestent de l’activité de la bâtisse jusqu’à 1818 où l’on décide déjà de la rénover. En 1834, des cas de choléra sont déclarés à Marseille
et, l’année suivante, la maladie se propage à Villefranche. Entre le 23 juin et le 4 août 1835, sur 110 personnes malades au lazaret, on compte 62 décès dont la plupart sont les forçats du bagne voisin (1). L’activité qui règne dans ce lieu clos par définition, n’est pas toujours transparente. On accuse l’administration de minimiser ou de cacher ce qu’il se passe dans la bâtisse peut-être afin de ne pas affoler la population. Un cimetière est du reste installé juste à côté. Beaucoup de commerçants trouvent en tout cas que ces mesures de quarantaine sont exagérées, vexatoires et nuisent au commerce local. Ils estiment aussi que ces obligations incitent les armateurs à aborder à Cannes où l’on est, semble-t-il, moins regardant, ce qui n’est pas bon pour les finances villefranchoises. En 1865, lorsqu’une nouvelle épidémie de choléra touche la France, Nice ne compte que quelques cas et l’utilité du lazaret de Villefranche se pose. Ce dernier cesse toute activité en 1885 et est alors cédé au ministère de la Guerre qui y installe les soldats du 13e bataillon d’artillerie. (1) Dominique Bon dans le bulletin n° 8 du musée d’anthropologie préhistorique de Monaco ASPMV Villefranche et la mer.