Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

La liste de mes envies

- THIERRY PRUDHON Reporter edito@nicematin.fr

C’est à peine le début. Et déjà, le confinemen­t nous pèse. Outre ses effets sanitaires escomptés, il recèle pourtant une formidable vertu : permettre de mesurer à quel point, d’ordinaire, la vie n’est pas si moche. Rien de mieux que des privations pour redonner plein éclat à ces bonheurs simples, ces petits riens qui font le sel de l’existence mais que nous ne savons plus apprécier à leur juste valeur. En temps de « paix », il m’arrive de rêvasser d’un survol du Grand Canyon en hélico, d’une virée en felouque à Assouan, dans cette envoûtante Egypte trompe-la-mort, ou d’une croisière venant lécher les fjords du Grand Nord. Mais aujourd’hui, mes envies sont plus terre à terre. Elles sont d’abord d’Italie, si proche et si distante désormais. Syracuse, Taormine, Capri, Venise, Sienne, Côme, Assise, les Dolomites, Rome, il y a tant de splendeurs à y voir ou revoir. Dans l’immédiat, mon rêve est devenu bien fluet : un simple aller-retour à Vintimille, pour une ventrée de spaghettis, confinerai­t à l’extase ! Dans ce registre touristico-gastronomi­que, quel pied ce serait aussi de se taper treize heures de bagnole jusqu’en Bretagne. Je me vois déjà arriver à la pointe de l’Arcouest puis embarquer, béat, pour Bréhat, l’île merveilleu­se, que nous arpenterio­ns de long en large, en goûtant chaque once d’un paysage sans cesse transfigur­é par la marée. Même les jérémiades des enfants implorant d’abréger la marche seraient douces. En chemin, nous nous serions arrêtés à Carcassonn­e pour y déguster un cassoulet à l’ancienne au coeur de la cité, puis à La Rochelle, étape fétiche sur la route des crêpes. Plus près d’ici, dès que tout cela sera fini, je brûle de me précipiter place Rossetti, dans le Vieux-Nice, pour y déguster ma glace préférée, chocolat orangette - melon verveine. L’ascension à vélo de la côte de Gourdon, en ahanant, me manque autant qu’un bon match de foot, avachi sur le canapé. L’assignatio­n à résidence me ferait presque perdre la raison. J’ai hâte de retrouver mon fils sur un court de tennis, pour prendre une rouste que le poids des ans rend inéluctabl­e. Pire, le délire guette, d’accompagne­r ma femme dans l’un de ces méga-centres commerciau­x que j’exècre. Lorsque cette crise s’achèvera, nous en sortirons changés, plus aptes à savourer la vie sans geindre pour un oui ou pour un non. Mais ne nous berçons pas d’illusions : notre faculté à oublier occultera très vite l’intensité du bonheur retrouvé. Profitons donc pleinement, pour l’instant, du plaisir non négligeabl­e de songer aux futurs bons moments qui nous attendent.

« Profitons du plaisir non négligeabl­e de rêver aux bons moments qui nous attendent. »

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