Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Stéphane, SDF : « On peut nous appeler les fantômes » Nice,

Nous l’avons croisé hier matin à à l’heure où la police bouclait la Prom’. Il raconte la vie des sans domicile fixe, en pleine guerre sanitaire du Covid-19

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

Stéphane, 46 ans, SDF depuis cinq ans, semble décontenan­cé. Les policiers viennent de lui annoncer la fermeture de la Promenade des Anglais. D’un coup, sans domicile fixe et migrants se sont retrouvés hier matin quasiment seuls dans le secteur. La patrouille l’a poliment prié de quitter les lieux, alors qu’il se trouvait au début de la Prom’, quai des Etats-Unis.

« Tout le monde s’en fout »

Sans domicile fixe en pleine crise du Covid-19, ça ressemble à quoi ? Son témoignage est sobre, digne. Terribleme­nt touchant. «Onn’a aucune informatio­n. Nous sommes laissés pour compte. Quand on demande des renseignem­ents, on nous dit qu’on ne sait pas. » Stéphane vit comme une agression le fait que la police lui demande sans cesse de quitter les endroits dans lesquels il se pose. «Onnesait pas où aller. On dort devant l’église Saint-Pierre-d’Arène, tous les soirs. Il y a zéro hébergemen­t d’urgence. À Nice, tous les hébergemen­ts sont pleins, ça a toujours été. Il n’y a jamais de place, même en temps normal. » Stéphane explique être un ancien de la légion de Marine, avoir été bénévole à la

Croix-Rouge. « Les SDF, on n’a été prévenus de rien. On s’informe comme on peut avec la radio, les journaux. Le 115 est au courant de rien, les policiers, quand ils passent, ils nous demandent de quitter les endroits où on est. » L’homme balance cette phrase, comme un uppercut : « On nous appelle les invisibles. Mais là, aujourd’hui, on peut nous appeler les fantômes. Tout le monde s’en fout, personne ne cherche à savoir ce qu’on devient. Un flic auquel on demandait où aller, quand on jetait tout le monde, nous a dit : “Allez vous cacher dans une ruelle” ». Stéphane constate-t-il une solidarité des habitants en ces temps de guerre sanitaire ? « Quelques-uns. Les autres non. Certains s’arrêtent, viennent parler avec nous pour savoir pourquoi on est encore là, mais une fois qu’on leur a donné les renseignem­ents, ça s’arrête là. Ne venez pas me parler de solidarité nationale, ce n’est pas vrai, je n’y crois plus. » Hier, après la publicatio­n de son témoignage sur notre site Internet, un formidable élan de solidarité a commencé à se créer autour de lui. Il reste tous les autres.

 ?? (Photo Jean-François Ottonello) ?? Stéphane, SDF, dort tous les soirs dehors en pleine crise sanitaire.
(Photo Jean-François Ottonello) Stéphane, SDF, dort tous les soirs dehors en pleine crise sanitaire.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France