Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Interdiction de larguer les amarres sur la Côte d’Azur
De Menton à Théoule, la plaisance est proscrite sur toute la frange littorale. Au Vieux-Port de Cannes, comme dans tout le département, aucun navire n’entre ni ne sort… à une exception près !
A Cannes, seuls les pointus des pêcheurs professionnels de la prud’homie et trois navettes maritimes quotidiennes pour les îles de Lérins sont autorisés à sortir du port et sillonner le long du rivage.
Aujourd’hui, même confiné, si vous avez la chance de disposer ne serait-ce que d’un « aperçu mer », faites donc cette petite expérience : portez le regard au loin, vers le large. Et comptez jusqu’à 100… Rien ne cloche ? De Menton à Théoule, pas l’ombre du bout d’une étrave n’entre dans votre champ de vision ! Sensation étrange. De grand vide. Un remake de Calme blanc (1989 - Philippe Noyce) sur le plan d’eau. Une impression amplifiée à Cannes depuis jeudi, 13 h, avec la fermeture des plages publiques ! Avec l’intrusion brutale du Covid19 dans notre vie quotidienne, l’application du décret n°2020-260 du 16 mars 2020 est presque passée inaperçu. Il interdit « les activités de plaisance, de tourisme ou de loisirs nautiques en mer Méditerranée [au moins] jusqu’au 31 mars 2020 ». Toute personne qui ne respecte pas cette réglementation est passible des mêmes sanctions qu’à terre, à savoir un PV de 38 ou 135€.
Les pointus des pros seuls sur le plan d’eau
(Photos Clément Tiberghien et P. Lapoirie)
Conséquences directes : aucun bateau n’entre ni ne sort des ports azuréens, ceux de la Siagne à Mandelieu compris ! Enfin presque. Deux exceptions à cette règle. Du Vieux-Port de Cannes, trois navettes maritimes desservent encore chaque jour Sainte-Marguerite et Saint-Honorat, uniquement pour assurer une continuité et ravitailler les insulaires, dont les moines du monastère. Pas question d’embarquer des passagers extérieurs. Seules autres embarcations autorisées à sillonner le long du rivage : les pointus des pros de la prud’homie de pêche de Cannes. « Tant que le marché Forville est ouvert, ils doivent pouvoir alimenter en poisson frais les étals et les établissements qui livrent à domicile. Pour le reste, c’est simple, on n’entre pas, on ne sort pas ! », explique Eric Barrat, le directeur du Vieux-Port de Cannes. Pourquoi une telle rigueur ? N’oublions jamais que les ports peuvent être des vecteurs de transmission de maladie important. Pour mémoire, dans un contexte et une époque certes bien différents, les ravages de la peste de Marseille en 1720 — 40 000 morts — avaient pour foyer un seul bateau, le Grand Saint-Antoine, en provenance du Levant [lire en page 17]. Et ce, en dépit d’un dispositif de quarantaine des passagers et des marchandises déjà appliqué. Pas étonnant, dans ces conditions, que des réunions soient « organisées chaque jour, en visioconférence, entre les socioprofessionnels, les responsables de la Ville, du port, du Palais des festivals, pour adapter nos décisions pour le bien collectif ». L’aire de carénage tourne encore, mais au ralenti. Les seules dérogations de mouvement octroyées concernent les bateaux qui sortent de cette aire et mis à l’eau. « Ensuite, on prend contact avec les maîtres de port et les autorités portuaires pour voir si le bateau peut être accepté, sachant que ces unités ont déjà leur place par ailleurs. C’est une gestion au cas par cas. Fort heureusement, en cette période d’hivernage, il n’y a pas de grands mouvements », détaille Eric Barrat, qui précise que les plongeurs du service technique en profitent pour assurer de la maintenance sous-marine. Bien sûr, l’activité « croisière » est annulée jusqu’à nouvel ordre et les grands travaux de la Digue, côté Laubeuf, totalement stoppés. Et pour la trentaine de bateaux de résidents permanents à quai au Vieux-Port, aucune différence avec les riverains à terre ; la règle de confinement est la même pour tous, les sanctions en cas de nonrespect aussi ! Le temps risque de leur paraître encore plus long au fond de leur cabine parfois très étriquée ! Ils peuvent néanmoins se rendre à la maison des plaisanciers, tout comme les pêcheurs professionnels. « Les mesures de nettoyage y ont été renforcées avec nos prestataires GSF. Ils consacrent plus de temps sur la désinfection des poignées de portes et les sanitaires par rapport aux risques sanitaires », rassure le directeur du port.