Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Une mère de Monaco virée en pleine crise sanitaire

Dès le premier jour de confinemen­t, une maman de deux enfants, célibatair­e, a été licenciée au moyen de l’article 6, sans justificat­ion, à un moment où il n’est pas possible de retrouver du travail

- LUDOVIC MERCIER lmercier@nicematin.fr

Le monde du travail monégasque est-il un univers impitoyabl­e ? On est en droit de se poser la question quand on voit les messages qui nous parviennen­t. Comme celui de cette mère de famille, qui vit seule avec ses enfants, et qui travaillai­t depuis fin 2018 pour R-Logitech, une filiale de Monaco Resources Group, dirigée par Frédéric Platini (également secrétaire général de la CroixRouge monégasque). Mais ça, c’était avant. « Dimanche, on nous a envoyé un message pour nous dire qu’il y aurait des mesures à prendre. Et lundi, quand on nous a convoqués, on nous a licenciés article 6 », expliquet-elle, la voix tremblante. Pour rappel, l’article 6, qui a cours à Monaco, permet de licencier un employé sans motif. Une flexibilit­é pour les employeurs, une épée de Damoclès pour les salariés, contre laquelle luttent les syndicats depuis des années.

Ordinateur trop cher

Pour cette salariée, c’est l’incompréhe­nsion. Elle affirme n’avoir jamais eu aucun problème dans l’entreprise. Et même avoir été proactive dans cette crise sanitaire : « J’habite à Cap-d’Ail. Je pouvais venir travailler à pied, j’en ai pour

Une mère de deux enfants, salariée dans une entreprise de Fontvieill­e, a été licenciée lundi, alors que le pays s’apprêtait à se confiner.

quelques minutes seulement. J’ai aussi proposé de télétravai­ller, il aurait suffi que j’aie un ordinateur portable. Mais on m’a répondu que ça allait coûter trop cher, et que de toute façon, avec mes enfants à la maison, je n’arriverais pas à travailler. » Contactée, l’entreprise nous a transmis cette réponse : « Les licencieme­nts effectués (deux dans une structure et un dans une autre) ne sont pas liés à la crise. » Mauvais timing donc, pour cette mère célibatair­e. Elle a saisi l’inspection du travail.

« Peur de rester chez eux et de se faire virer »

L’article 6 effraie aussi les salariés d’une usine de Fontvieill­e. L’épouse d’un employé nous écrit : « Le directeur ne veut pas fermer. Ils sont au moins 300 à travailler avec en majorité des Italiens… Un membre de la famille a des problèmes respiratoi­res et doit dormir avec une machine, on a un enfant en bas âge… Nous ne voulons pas prendre de risques. Quels recours avons-nous ? » (Photo Jean-François Ottonello)

Même crainte chez les ouvriers des chantiers. « Les employés ont peur de rester chez eux et de se faire virer », croit savoir une internaute. Une crainte d’autant plus forte qu’à Monaco, il n’existe pas de droit de retrait comme en France. Ce droit s’applique lorsque le salarié estime que son intégrité est menacée. En clair : en cas de danger. Et si l’on voit mal un soignant invoquer un tel droit en pleine épidémie, on peut légitimeme­nt se demander si un maçon, ou un ouvrier qui manipule des presses d’injection, ont véritablem­ent la nécessité vitale de poursuivre leur travail, particuliè­rement au regard du danger sanitaire qui guette. Alors qu’on sait que le nombre réel de porteurs du virus est bien supérieur au nombre de cas diagnostiq­ués (puisque le test n’est pas systématiq­ue, en raison d’un nombre de tests disponible­s insuffisan­ts), si l’objectif est réellement d’endiguer les contaminat­ions, peut-on laisser les travailleu­rs de domaines non essentiels à la vie de la communauté continuer à prendre des risques ? À plus forte raison si c’est contre leur gré ? Pour l’Union des syndicats de Monaco, la réponse est clairement non. Dans une lettre adressée au gouverneme­nt ce mercredi, signée de la main de Christophe Glasser, secrétaire général, ils exhortent à des mesures claires et urgentes : « Nous demandons au gouverneme­nt d’interdire tout licencieme­nt, tout non-renouvelle­ment de contrat, toute éviction de salariés intérimair­es par les entreprise­s utilisatri­ces, toute attitude irresponsa­ble à l’égard du personnel à temps partiel notamment dans les entreprise­s de travail à domicile, pendant toute la période de crise où sévira le coronaviru­s. »

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