Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Quand le comte de Souvigny passa le col de Tende en 

Retrouvez, comme chaque samedi, la rubrique d’art et d’histoire du pays mentonnais

- TEXTE RECUEILLI PAR JEAN-LOUIS CASERIO

Le chevalier Jean de Gangnières, comte de Souvigny (1597-1673) fit une belle carrière de lieutenant-général des armées du roi. Il voyagea beaucoup et consigna conscienci­eusement ses observatio­ns qui furent considérée­s comme très utiles pour l’étude des institutio­ns et des moeurs militaires au XVIIe siècle. Il rédigea ainsi ses mémoires restées longtemps manuscrite­s. Ce n’est qu’en 1906-1909 que le baron Ludovic de Contenson (1861-1935), publia pour la Société de l’histoire de France chez l’éditeur H. Laurens à Paris et d’après le manuscrit original, les Mémoires du comte de Souvigny en trois forts volumes de près de 400 pages chacun !

Fontaine glacée sous la neige

C’est dans le tome 1er (1613-1638) qu’est évoqué (dans la langue française du 17e siècle) le retour de Souvigny en Piémont par le col de Tende, passage obligé sur la route de Nice à Coni à 1793 mètres d’altitude. Il écrit (pages 335-336) : « …J’aime faire un mémoire de mon retour en Piémont avec le commissair­e et le trésorier qui en étoient (sic) partis avec moi, et d’une aventure qui m’arriva au col de Tende. C’est qu’ayant été porté au sommet du col, je me mis en une ramasse (de l’italien ramazza ; la ramasse est une sorte de traîneau, guidé par un homme, et qui sert à descendre les montagnes couvertes de neiges) ; les ramasseurs, voulant gagner le devant au lieu de suivre le chemin ordinaire, me firent passer par une dressière (vieux mot qui signifie chemin de traverse) où l’eau d’une fontaine s’étoit répandue et glacée sur la neige l’espace d’environ mille pas. Ces misérables, me croyant perdu, se dégagèrent de la ramasse. Au demi-tour qu’elle fit quand ils la quittèrent, je pris mon temps d’en sortir, et, dans le penchant du précipice où il me sembloit d’aller aussi vite qu’un trait d’arbalète, je me tins ferme sur mes reins, avec les fesses et les mains, pour garantir ma tête de heurter contre la glace. Quand je fus arrivé à la fin et que je me trouvai sur la neige, je considérai d’où j’étois venu et où pouvoit être le bourg de Limone, où je devois aller, et commençai à m’acheminer de ce côté-là, sondant toujours avec mon épée pour ne tomber pas en quelque fond plein de neige.

« J’entendis des voix...»

Etant un peu refroidi, je m’aperçus que mes gants de cerf m’avoient bien servi, mais qu’ils n’avoient pu empêcher mon poignet d’être percé jusqu’aux os, aussi bien que mes fesses, et mes chausses toutes déchirées. Je n’eus pas fait environ demiquart de lieue que j’entendis des voix qui m’appeloient. Je reconnus bien celles de M. Poyet, commissair­e, et de M. Perret, trésorier, qui, ne m’ayant pas trouvé à Limone, me venoient chercher avec quantité de paysans, qui m’emportèren­t à Limone, où je ne m’arrêtai pas pour cet accident… »

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(DR) Chemin du col de Tende.

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