Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

La villa de Raymond Barre saisie par la justice

Saint-Jean-Cap-Ferrat La propriété acquise en 1979 par l’ancien Premier ministre français est au coeur d’une enquête pour « blanchimen­t de fraude fiscale » qui vise ses deux fils

- ERIC GALLIANO

C’est une jolie villa au coeur de la presqu’île des milliardai­res : 350 mètres carrés habitables sur un terrain qui en fait près de 3 000, à deux pas de la pointe des Fontenette­s, à Saint-Jean-CapFerrat. Dans un secteur où la moindre parcelle vaut de l’or. Rien de comparable toutefois avec les dorures républicai­nes du palais de Matignon… A ce détail près qu’en mars 1979, c’est bel et bien le Premier ministre de l’époque qui devint l’heureux propriétai­re de ce petit bout de Méditerran­ée. Raymond Barre avait eu beau tenter de dissimuler son acquisitio­n derrière le prête-nom d’un employé municipal de la commune, la belle affaire immobilièr­e du « meilleur économiste de France » avait très vite été ébruitée (lire ci-dessous). Ce ne fut pas une raison suffisante pour qu’il renonce à la villa de ses rêves. Et au décès de l’homme politique, en 2007, le bien est d’ailleurs resté propriété de la famille Barre. Du moins, il l’était jusqu’à ce que deux juges parisiens décident, il y a quelques jours, de saisir l’ancien pied-à-terre de Raymond Barre sur la Côte d’Azur.

Société écran au Luxembourg

Cette mise sous séquestre judiciaire intervient dans le cadre d’une affaire de présumée fraude fiscale. Les héritiers de l’ancien

Premier ministre, et notamment ses deux fils Nicolas et Olivier Barre, sont effet suspectés d’avoir échafaudé un obscur montage financier pour tenter de se soustraire au fisc français et notamment pour ne pas avoir à payer des droits de donation que Bercy évalue aujourd’hui à plus de 3 millions d’euros ! Pourtant, au moment du décès de Raymond Barre, la villa de Saint-Jean-CapFerrat avait été estimée à peine plus de 1,5 M€ dans le cadre de la succession. C’est pourtant au prix de 14M que, six ans plus tard, ses héritiers, son épouse Ève et ses deux fils, l’auraient revendu à une société de Villeurban­ne, l’EURL « Les Dauphins ». Le conditionn­el est de mise, puisque si l’on en croit le résultat des investigat­ions menées par les deux juges parisiens, cette entreprise est en fait détenue à 100 % par une autre société, de droit luxembourg­eois cette fois, baptisée ONB Invest…

 M€ d’impôts non perçus

ONB comme Olivier et Nicolas Barre. Les deux fils de l’ancien Premier ministre seraient en effet les actionnair­es de cette société écran au Luxembourg. Ils se seraient vendus à euxmêmes la villa de SaintJean-Cap-Ferrat ! Mais dans quel but payer 14 millions un bien estimé 10 fois moins dans la succession et qui leur appartient déjà ? Si Raymond Barre était le « meilleur économiste de France », comme le surnommait le président Giscard d’Estaing, ses fils n’en sont pas moins des investisse­urs avisés. Car ce drôle de montage a eu pour mérite de sortir de l’indivision leur mère. Ce serait en fait une donation déguisée. D’où la mise en examen pour blanchimen­t de fraude fiscale de Nicolas Barre (1). Son frère Olivier qui n’a pour l’heure pas déféré à la convocatio­n des enquêteurs, en Suisse où il réside, pourrait l’être à son tour. Car Bercy et la justice ont fait leurs calculs : le manque à gagner pour le fisc français serait de 3 millions d’euros ! 1. Contacté, l’avocat de Nicolas Barre n’a pas répondu à nos sollicitat­ions.

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(Photo Didier Gairaud) La villa que Raymond Barre s’était fait construire à Saint-Jean-Cap-Ferrat.

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