Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
La gestion à tâtons
Le Français est ainsi fait. C’est un incorrigible je-sais-tout ! Dans chaque foyer, sommeillent, ne dormant que d’un oeil, un vice-Président, un vice-Premier ministre, un vice-ministre de l’Intérieur et, entre autres, un vice-ministre de la Santé, qui ont réponse, en toutes circonstances, aux problèmes les plus complexes qui se posent au pays. Cette science infuse a pour infaillible corollaire la théorie du complot. Le sempiternel « Je l’avais bien dit » se jumelle volontiers à un « On nous cache des choses », qui accablent le pouvoir d’une double infamie, incompétence et duplicité. Face à l’essor du coronavirus, tout n’a pas été décidé selon les canons de la justesse. Il y a eu des ratés, de l’incroyable venue des supporters turinois à Lyon à la mollesse dans l’équipement en masques. Il y en aura inévitablement encore. Il faut néanmoins se rendre à l’évidence : ceux qui nous dirigent ne sont que des hommes. Faute de solutions en kit, c’est à tâtons qu’ils progressent dans la gestion d’une crise sans précédent. Ils s’efforcent d’agir au mieux, armés de faibles flambeaux qui n’éclairent qu’une partie du bourbier. Cela vaut pour la France comme pour les autres pays. A contretemps, la sortie désastreuse d’Agnès Buzyn a ajouté un trouble inutile à la confusion générale. Si elle était convaincue, dès janvier, que l’exécutif ne prenait pas le cap approprié pour endiguer l’épidémie, elle aurait dû faire une « Hulot » : démissionner en déclenchant un esclandre. Dans un épisode hors norme, le gouvernement apprend en tombant, tel un bébé qui trébuche avant d’assurer peu à peu sa marche. Ce parcours est le seul, si pénible soit-il. La bonne volonté ne garantit pas l’excellence, surtout quand il faut garder la tête froide sous une pression médiatique omniprésente, oppressante, souvent contradictoire et pour le moins fouillis. L’opposition, à quelques exceptions près, l’a pour l’instant plutôt admis, en faisant globalement corps avec les gouvernants. Cette crise, il est vrai, livre une leçon principale. En appuyant sur nos fragilités, nos impuissances parfois, et en balayant nos certitudes, elle appelle chacun à davantage d’humilité. Pour le présent comme pour l’avenir.