Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
nuances de confinement
Confinés. Comme dans une émission de téléréalité sauf que telle est la réalité. Rien à gagner. Sinon la vie, la sienne, sauver sa peau et celle des autres. Tous égaux face à l’enfermement. Ou presque. Ironie cruelle : ce sont les plus seuls d’entre nous qui sont les mieux préparés à cette épreuve. Ceux que personne ne visite jamais, et qui ressentent à peine la différence. Leur infortune est aujourd’hui le plus sûr des boucliers contre l’épidémie. Il y a ceux qui pour qui la quarantaine est une villégiature. Ils la traverseront depuis leur résidence secondaire, sur une terrasse baignée de lumière ou à l’ombre des premiers arbres en fleurs de leur vaste jardin. Comme un air de vacances. Ils continueront à travailler, conserveront leurs lourdes responsabilités. En mode écran géant et connexion G. Peutêtre même, garderont-ils une fois le virus terrassé, un souvenir ému de ce printemps où c’était, ils ne l’avoueront jamais, plus la Dolce vita que Mort à Venise. Il y a aussi les confinés du troisième rang, le gros de la troupe. Ceux qui gèrent les appels du bureau, hachés par les encombrements sur le réseau téléphonique et les cris des enfants surexcités. Les moins vernis sont ceux qui n’ont même pas un balcon à se mettre sous les pieds, pas un rayon de soleil à la fenêtre pour effleurer leur visage déjà fatigué, alors qu’il reste quatre semaines à se terrer dans des appartements trop petits avant de retrouver la liberté. Le manque d’argent est encore plus criant quand on ne peut sortir pour le dépenser. Ce ne sont pourtant pas les plus à plaindre. Pire qu’un confinement, l’impossibilité de faire valoir son droit de retrait. L’obligation d’aller travailler, de tenir sa caisse, de maintenir la chaîne de production. Ils auront une prime, bien méritée, en gage de leur courage obligatoire. Ou pas. Ces gens-là pourraient déclarer forfait, mais ils renonceraient à leur salaire. Plaie d’argent n’est pas mortelle. Mais pas d’argent nuit gravement à votre budget. Demandez à tous ces travailleurs indépendants, micro-entrepreneurs, petits commerçants, rideaux tirés, à qui on accorde des dégrèvements de charges sans leur proposer de recettes nouvelles. Le confinement n’accroît pas les différences entre les uns et les autres. Il les révèle, les exacerbe. En même temps qu’il exige le meilleur de nous : s’aimer, même si c’est distance, redoubler de solidarité. Malgré les mètres carrés trop limités et les comptes en banque vidés.
« Cette situation n’accroît pas les différences entre les uns et les autres. Elle les révèle. Mais elle exige aussi le meilleur de nous. »