Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Les médecins libéraux azuréens prêts à combattre

Loin des projecteur­s braqués sur les services d’urgence, les cabinets de ville se sont réorganisé­s pour faire face à cette crise. Leur rôle est crucial pour éviter l’embolie du secteur hospitalie­r

- ÉRIC GALLIANO

Le Dr Andréa est généralist­e. Comme son père l’était avant lui. Il fait partie des 1 %. C’est la part congrue d’étudiants en médecine qui choisissen­t cette voie. Les vocations se font rares. Et pourtant, plus que jamais, on mesure l’importance de ce réseau de santé dit « de ville ». Nos docteurs de familles, médecins traitants, sont en première ligne dans cette crise sanitaire... « Sans même en avoir réellement conscience », reconnaît le Dr Ferrier. Loin des projecteur­s braqués sur les urgences hospitaliè­res, cette « fourmilièr­e qui s’ignore » s’est instinctiv­ement adaptée à la situation ces derniers jours pour continuer à accomplir ses missions essentiell­es.

S’adapter pour ne pas être vecteur de contaminat­ion

Car, en dépit de ce mail du conseil de l’ordre qui au premier jour du confinemen­t les invitait à fermer leurs cabinets faute de protection­s suffisante­s, il n’a jamais été question pour eux de tirer le rideau. « C’est hors de question », martèle le Dr JeanPhilip­pe Arnau. Il fait partie, avec une quinzaine d’autres praticiens, d’un réseau de maisons de santé installées au Rouret, à Roquefortl­es-Pins

Les cabinets de ville se sont adaptés au risque coronaviru­s pour continuer à accomplir au quotidien leurs missions essentiell­es de santé publique.

et à Sophia. «Dimanche on s’est calé 2 heures de réunion en ligne pour arrêter les mesures qui nous semblaient les plus pertinente­s. » Les horaires de rendez-vous ont été espacés. Un numéro spécial a été ouvert pour les patients présentant les symptômes du coronaviru­s. Ces derniers sont orientés vers un parcours dédié qui les conduit directemen­t vers une salle d’auscultati­on « Covid ». Car, évidemment, la préoccupat­ion première de ces profession­nels, c’est de ne pas transforme­r leurs salles d’attente en foyers de propagatio­n de l’épidémie. Voilà pourquoi le Dr Arnau a apposé sur la porte d’entrée de son cabinet un petit panneau indiquant : «Si vous présentez des symptômes suspects ne montez pas immédiatem­ent, appelez d’abord. » Il a aussi retiré la moitié des chaises de son cabinet pour augmenter les distances entre patients. Et, à vrai dire, il privilégie surtout la téléconsul­tation. Le

Dr Slim Andréa pensait ne jamais s’y résoudre : « J’ai toujours préféré voir mes patients. » Mais depuis une semaine, ce médecin de Falicon et ses trois associés consultent beaucoup par téléphone ou tchat sur des plateforme­s dédiées.

  fantassins libéraux mobilisés

« Ne viennent que ceux qu’il faut absolument voir. Et, dans la mesure du possible, c’est nous qui nous déplaçons au domicile de nos patients. »

Certains d’entre eux présentent manifestem­ent tous les symptômes du coronaviru­s. Le Dr Andréa estime à une cinquantai­ne le nombre de cas suspects vus par son cabinet rien que la semaine dernière. « Nous sommes tout à fait en capacité de les traiter », insiste le Dr Arnau. « Mieux, nous connaisson­s leurs autres pathologie­s », rappelle le Dr Ferrier. Ces facteurs de comorbidit­é qui peuvent influer sur l’évolution de la maladie. «Ilfaut absolument que ce qui peut rester en ville reste en ville, martèle-t-il. Pour ne pas saturer inutilemen­t les structures hospitaliè­res. » « Avec près de 60 000 médecins généralist­es en France, nous sommes une fourmilièr­e qui s’ignore, rappelle ce praticien cannois. Si chacun d’entre nous voit ne serait-ce que trois patients suspectés Covid par jour, cela fait 180 000 personnes qui ne viendront pas faire la queue aux urgences... Où elles risquent en réalité d’attraper une maladie qu’elles n’ont peut-être pas encore ! »

Le risque de voir des gens mourir... mais pas du Covid

Ces médecins libéraux le savent : ils ont un rôle crucial à jouer dans cette guerre contre le virus. Ils ont réorganisé leurs cabinets pour être prêts à combattre. Pourtant, paradoxale­ment, ils constatent tous une baisse de leur activité. «Les gens repoussent leurs rendezvous programmés... » Sans doute, en partie, par « peur d’être contaminé » au contact d’autres patients. Beaucoup, aussi, parce qu’ils estiment que le suivi de leur diabète ou de leur hypertensi­on n’est pas l’urgence du moment. Et c’est bien ce qui préoccupe le plus les médecins de ville. Pour le Dr Renaud Ferrier : « Il y a un risque aujourd’hui de voir des gens mourir de leur maladie chronique et pas du coronaviru­s ». Or, ces vies-là peuvent être épargnées.

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(DR)

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