Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Les médecins libéraux azuréens prêts à combattre
Loin des projecteurs braqués sur les services d’urgence, les cabinets de ville se sont réorganisés pour faire face à cette crise. Leur rôle est crucial pour éviter l’embolie du secteur hospitalier
Le Dr Andréa est généraliste. Comme son père l’était avant lui. Il fait partie des 1 %. C’est la part congrue d’étudiants en médecine qui choisissent cette voie. Les vocations se font rares. Et pourtant, plus que jamais, on mesure l’importance de ce réseau de santé dit « de ville ». Nos docteurs de familles, médecins traitants, sont en première ligne dans cette crise sanitaire... « Sans même en avoir réellement conscience », reconnaît le Dr Ferrier. Loin des projecteurs braqués sur les urgences hospitalières, cette « fourmilière qui s’ignore » s’est instinctivement adaptée à la situation ces derniers jours pour continuer à accomplir ses missions essentielles.
S’adapter pour ne pas être vecteur de contamination
Car, en dépit de ce mail du conseil de l’ordre qui au premier jour du confinement les invitait à fermer leurs cabinets faute de protections suffisantes, il n’a jamais été question pour eux de tirer le rideau. « C’est hors de question », martèle le Dr JeanPhilippe Arnau. Il fait partie, avec une quinzaine d’autres praticiens, d’un réseau de maisons de santé installées au Rouret, à Roquefortles-Pins
Les cabinets de ville se sont adaptés au risque coronavirus pour continuer à accomplir au quotidien leurs missions essentielles de santé publique.
et à Sophia. «Dimanche on s’est calé 2 heures de réunion en ligne pour arrêter les mesures qui nous semblaient les plus pertinentes. » Les horaires de rendez-vous ont été espacés. Un numéro spécial a été ouvert pour les patients présentant les symptômes du coronavirus. Ces derniers sont orientés vers un parcours dédié qui les conduit directement vers une salle d’auscultation « Covid ». Car, évidemment, la préoccupation première de ces professionnels, c’est de ne pas transformer leurs salles d’attente en foyers de propagation de l’épidémie. Voilà pourquoi le Dr Arnau a apposé sur la porte d’entrée de son cabinet un petit panneau indiquant : «Si vous présentez des symptômes suspects ne montez pas immédiatement, appelez d’abord. » Il a aussi retiré la moitié des chaises de son cabinet pour augmenter les distances entre patients. Et, à vrai dire, il privilégie surtout la téléconsultation. Le
Dr Slim Andréa pensait ne jamais s’y résoudre : « J’ai toujours préféré voir mes patients. » Mais depuis une semaine, ce médecin de Falicon et ses trois associés consultent beaucoup par téléphone ou tchat sur des plateformes dédiées.
fantassins libéraux mobilisés
« Ne viennent que ceux qu’il faut absolument voir. Et, dans la mesure du possible, c’est nous qui nous déplaçons au domicile de nos patients. »
Certains d’entre eux présentent manifestement tous les symptômes du coronavirus. Le Dr Andréa estime à une cinquantaine le nombre de cas suspects vus par son cabinet rien que la semaine dernière. « Nous sommes tout à fait en capacité de les traiter », insiste le Dr Arnau. « Mieux, nous connaissons leurs autres pathologies », rappelle le Dr Ferrier. Ces facteurs de comorbidité qui peuvent influer sur l’évolution de la maladie. «Ilfaut absolument que ce qui peut rester en ville reste en ville, martèle-t-il. Pour ne pas saturer inutilement les structures hospitalières. » « Avec près de 60 000 médecins généralistes en France, nous sommes une fourmilière qui s’ignore, rappelle ce praticien cannois. Si chacun d’entre nous voit ne serait-ce que trois patients suspectés Covid par jour, cela fait 180 000 personnes qui ne viendront pas faire la queue aux urgences... Où elles risquent en réalité d’attraper une maladie qu’elles n’ont peut-être pas encore ! »
Le risque de voir des gens mourir... mais pas du Covid
Ces médecins libéraux le savent : ils ont un rôle crucial à jouer dans cette guerre contre le virus. Ils ont réorganisé leurs cabinets pour être prêts à combattre. Pourtant, paradoxalement, ils constatent tous une baisse de leur activité. «Les gens repoussent leurs rendezvous programmés... » Sans doute, en partie, par « peur d’être contaminé » au contact d’autres patients. Beaucoup, aussi, parce qu’ils estiment que le suivi de leur diabète ou de leur hypertension n’est pas l’urgence du moment. Et c’est bien ce qui préoccupe le plus les médecins de ville. Pour le Dr Renaud Ferrier : « Il y a un risque aujourd’hui de voir des gens mourir de leur maladie chronique et pas du coronavirus ». Or, ces vies-là peuvent être épargnées.