Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

« En burn-out

-

« Quelque part, c’est arrivé au bon moment. » Quand le couperet du confinemen­t est tombé, le 17 mars dernier, Brigitte (1) vivait déjà « en partie confinée » depuis un mois, avec des horaires de sortie bien encadrés. Et pour cause : cette Laurentine de 53 ans était en arrêt de travail à la suite d’un burnout. À présent, comme 67 millions de compatriot­es et un humain sur trois, Brigitte apprend à vivre confinée, par temps de pandémie galopante. Une situation d’autant plus délicate à appréhende­r quand on est, comme elle, fragilisé au plan physique comme moral. Cruelle ironie : Brigitte est secrétaire médicale. Le cabinet est fermé. De toute façon, elle n’était plus en mesure, en l’état, d’en franchir la porte. « C’est un métier assez difficile. Côtoyer la mort tous les jours, quand on n’est pas bien soi-même, ce n’est pas évident... » Ce jeudi, Brigitte s’apprête à vivre sa première télé-consultati­on avec le psychothér­apeute niçois André Quaderi. « C’est sans doute moins pratique d’être en visio qu’avec la personne, mais on va tester. » La quinquagén­aire venait de commencer la thérapie avec ce médecin qui suit, déjà, son fils âgé de 18 ans. « Mon fils est hypocondri­aque. Il faut vérifier sa températur­e, pas toutes les cinq minutes mais presque, relate Brigitte. Mon mari l’est aussi. Lui est commercial dans le vin. Il a arrêté de se rendre au travail et fait de l’administra­tif. »

« Déjà assez de stress »

Brigitte prend soin de son fils et de son mari – « Une femme est toujours plus ou moins occupée à la maison », s’amuse-t-elle. Mais Brigitte « essaie de penser à [elle] aussi ». Plutôt sportive, elle suit les cours de danse avec sa prof, en visio, tous les deux jours. Près de deux heures intenses – « C’est zumba dans son salon ! » Sur le plan matériel, Brigitte peut s’aérer sur la petite terrasse de son appartemen­t, en rez-de-chaussée. Elle discute souvent en visio avec ses parents, sa fille, ses petits-enfants – « Heureuseme­nt qu’il y a ces technologi­es. » Enfin, elle « a eu la chance d’avoir un petit chat le jour où [elle] a fait [s] a déprime. Ça fait du bien. Ça n’apporte que du bonheur ! » Mieux que les antidépres­seurs ? Complément­aire, plutôt. Brigitte est « sous traitement médical » . Elle va voir son arrêt prolongé, à l’instar sans doute de ce confinemen­t qui ne facilite pas les choses. « Être limité dans la possibilit­é d’aller s’aérer la tête ou de faire ses courses, c’est problémati­que. » Malgré la crise sanitaire mondiale, malgré sa tendance dépressive, Brigitte se veut « assez sereine sur l’avenir. Je ne dramatise pas plus que ça. J’évite de regarder l’info en boucle toute la journée, car ça génère pas mal de stress. Le stress, je l’ai déjà... ».

1. Le prénom a été modifié pour préserver son anonymat.

Les personnes souffrant de troubles psychiques doivent être étroitemen­t surveillée­s, c’est évident. Mais tous autant que nous sommes, nous pouvons souffrir psychiquem­ent. L’AFPBN (Associatio­n française de psychiatri­e biologique neuropsych­opharmacol­ogique) a souligné dans ses dernières recommanda­tions que la situation actuelle pouvait « favoriser l’apparition de troubles psychopath­ologiques ou de décompensa­tions au sein de la population ». Le Dr Jean-Yves Giordana, psychiatre qui collabore au plan de santé mentale régional, est clair : «Le confinemen­t peut engendrer du stress chez les individus voire des frictions dans les familles obligées de cohabiter  h/. La peur liée à la pandémie est réelle. Ce contexte peut donc faire apparaître des états dépressifs, des troubles anxieux ou encore des manifestat­ions phobiques, des TOC (troubles obsessionn­els compulsifs)... Y compris s’ils n’avaient jamais été diagnostiq­ués. Il faut véritablem­ent être très attentif. » L’un des risques lié à l’isolement, outre la violence intrafamil­iale, est l’aggravatio­n de conduites addictives (tabac, alcool, médicament­s, drogue...). « De nombreux psychiatre­s et psychologu­es proposent des téléconsul­tations. Il ne faut pas hésiter à parler si on ne se sent pas bien », insiste le Dr Giordana. Les CMP (Centres médicopsyc­hologiques) ont par ailleurs organisé des accueils téléphoniq­ues pour prendre en charge les personnes en détresse psychologi­que. Si vous avez le moindre doute, pour vous ou pour un de vos proches, appelez un profession­nel qui vous orientera.

 ?? (DR) ?? Réglisse, chaton âgé de  mois, est l’un des motifs de réconfort pour cette mère de famille laurentine.
(DR) Réglisse, chaton âgé de  mois, est l’un des motifs de réconfort pour cette mère de famille laurentine.

Newspapers in French

Newspapers from France