Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Bus à Nice : « J’ai peur, mais je n’ai pas le choix »

Pour éviter la propagatio­n du virus, à partir d’aujourd’hui, le réseau Lignes d’azur se restreint à ses dessertes « essentiell­es ». Embarqueme­nt avec des passagers de moins en moins nombreux

- ANTOINE LOUCHEZ alouchez@nicematin.fr

Le service était déjà réduit aux horaires du dimanche, il le sera encore plus. La Métropole a annoncé hier que le réseau Lignes d’azur passerait au strict minimum, à partir d’aujourd’hui, avec notamment la suspension de certaines lignes de bus. Les lignes de tram 1 et 2, ainsi que les bus « essentiels » sont maintenus, notamment ceux qui desservent les établissem­ents de santé. Les autres étant remplacées par un service à la demande. Objectif : renforcer la lutte contre la pandémie. Mais ces mesures compliquen­t un peu plus le quotidien de ceux qui ne peuvent pas faire autrement.

« Tout le monde touche partout »

À Nice, arrêt Promenade des Arts, près du Mamac. Evangeline Tchilobol, étudiante de 23 ans, s’apprête à monter dans le bus 15. Direction

,où elle a un job à temps partiel en tant que caissière. Avant, elle prenait le train et mettait quarante minutes, porte à porte. Mais ça, c’était avant les différents ajustement­s : « La plupart des trains ont été supprimés, donc je prends le bus et le tram. Je suis obligé de partir une heure et demie en avance, parce que je ne sais pas à quoi m’attendre. C’est stressant et frustrant. Ça m’est arrivé d’attendre quarante-cinq minutes.

Dans la ligne reliant l’Ariane, plusieurs travailleu­rs, souvent âgés, aimeraient faire autrement que prendre le bus.

La dernière fois, j’étais en retard et j’ai dû prendre un Uber. Ça m’a coûté 30 euros. Pour travailler cinq heures, ça ne sert à rien. » Prendre les transports en commun en temps de pandémie, Evangeline s’en serait bien passé. « Ça me fait un peu peur : dans les transports, tout le monde touche partout. Mes parents me disent d’arrêter de travailler, mais je ne sais pas comment je vais payer mon loyer, je n’ai pas trop le choix ». Du coup, elle y va avec des gants.

Douze personnes à bord

Ligne 7. Départ du port à 13 h 55, en direction de l’Ariane, le quartier de Nice le plus tributaire du réseau de bus. La ligne fait partie des moins touchées par les réajusteme­nts, notamment parce qu’elle dessert l’hôpital Sainte-Marie. Mais l’affluence culmine bien entre Pasteur et ce quartier populaire de 10 000 habitants, avec une douzaine de personnes à bord. Parmi elles, plusieurs femmes sexagénair­es, notamment deux femmes de chambre dans des hôtels, qui affirment qu’elles n’ont «pas le choix ». Tout comme Rahma Chikhaoui, une petite dame emmitouflé­e derrière son hijab qui devait porter un courrier aux services sociaux. « Je suis au chômage technique et j’ai tous les magasins à côté de chez moi. Je ne prends pas le bus, normalemen­t. Avec cette maladie… Mais là j’étais obligée d’y aller, parce que La Poste est fermée. » Un autre passager avoue au contraire prendre le bus régulièrem­ent, pour aller « faire des petites courses ». Est-ce bien nécessaire ? C’est en tout cas le genre de comporteme­nt qui énerve une auxiliaire de vie : « C’est comme les gens qui achètent tout d’un coup dans les magasins. Qu’ils restent chez eux… » De fait, même si tout le monde fait des efforts, il est difficile de conserver les distances de sécurité.

Baise drastique de la fréquentat­ion

Ligne 38, autre ambiance. Une petite navette qui est censée être suspendue à partir d’aujourd’hui. Départ de Gambetta à 17 h 30, direction les Beaumettes, sur une petite colline résidentie­lle où il y a peu de commerces. Un aller-retour quasi à vide, hormis deux personnes qui auraient pu s’en passer. A vue de nez, le chauffeur estime que la fréquentat­ion a baissé de 90 % : il a embarqué une quinzaine de personnes dans l’après-midi. « C’est vrai, j’ai un peu de tout, mais on ne peut pas demander aux gens s’ils ont une attestatio­n, semble-t-il regretter. Le problème, c’est qu’il y a des personnes âgées qui n’ont que ça pour aller acheter à manger. » Mais ils sont censés pouvoir faire appel au transport à la demande. Même si rien n’est figé, assure le conducteur : «Onest en constante évolution : s’il y a beaucoup de demandes, les choses évolueront. »

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(Photos Dylan Meiffret)
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