Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
« Le sport est un levier du changement social »
Pour David Blough, directeur exécutif de Play International, une ONG qui utilise le sport comme outil d’insertion, le confinement souligne en creux le potentiel du sport en matière d’impact social
Depuis le confinement, on annule ou on reporte des grands événements internationaux. Pensez-vous qu’on devrait aussi parler du sport tel que vous le promouvez ?
C’est vrai qu’on parle beaucoup de ces grandes compétitions qui ne pourront se dérouler comme prévu, avec un focus sur l’impact économique de ces bouleversements. On évoque beaucoup moins l’impact social de l’activité sportive. La crise que nous traversons est pourtant une occasion de réfléchir au sport autrement. Il l’a prouvé, le sport est un formidable levier éducatif. A travers une simple activité, on peut travailler sur des questions de violence ou de harcèlement. Si le sport n’est pas une baguette magique, il apporte des réponses à de nombreux enjeux sociétaux. Malheureusement, on n’utilise qu’une faible partie de son potentiel, en ne le considérant que du point de vue de la compétition et du spectacle. Peu de gens savent que par l’activité sportive, nous pouvons contribuer à lutter contre le choléra ou faciliter l’inclusion des migrants.
La crise sanitaire fait apparaître la fragilité de l’économie du sport ?
Depuis les années , le sport est marié avec l’économie de marché. Il génère des milliards. Or cette crise a montré que tout peut s’effondrer. C’est peut-être l’occasion de s’intéresser à un autre volet, sans que cela soit contradictoire : le sport pour tous, le sport comme fil rouge, souvent sous-considéré, alors qu’il permet aux jeunes de mieux appréhender d’autres disciplines, aussi vastes que les maths, l’éducation civique ou les sciences de la vie et de la terre, et qu’il impacte positivement des parcours de vie.
Le sport comme école de la vie, comme ascenseur social. Ce sont des notions universelles ? Oui, mais il ne suffit pas de le décréter : il faut réunir des conditions. Sans financements publics, sans formation des acteurs de terrain, sans engagement d’entreprises mécènes, on ne peut pas y arriver. Réunir ces conditions, c’est être en mesure de libérer toujours plus l’impact social du sport.
Avec le succès des « tutos » sur Internet, ce temps de sevrage sportif pointe l’importance des acteurs de l’éducation sportive…
En effet, chacun peut se rendre compte que le sport est plus important que jamais en ces temps de confinement, qu’il représente un exutoire indispensable pour mieux gérer l’enfermement. Et on ne peut que louer ce sursaut, quand on sait que la sédentarité est la quatrième cause de mortalité dans le monde. Depuis le début du confinement, les profs et coaches de sport se challengent entre eux, et font preuve de beaucoup de créativité à travers leurs cours en vidéo pour capter des élèves ou ne pas les perdre.
Le sport collectif, lui, est à l’arrêt ?
Oui, ces séances ne peuvent plus être organisées depuis le confinement. Et sans elles, l’éducation par le sport est suspendue. Or, comme nous nous employons à le faire tout au long de l’année avec Play International, les activités ludiques et sportives, audelà de l’aspect santé et bien-être primordial, sont de formidables vecteurs d’inclusion sociale, d’éducation à l’égalité fillesgarçons, etc. Le sport est un levier du changement social.
Le « monde d’après » est déjà l’objet d’une réflexion. En quoi le sport peut-il contribuer à sa construction ?
La nouvelle génération doit se préparer à ce « monde d’après ». Le sport est un outil pédagogique qui peut leur permettre d’acquérir des clefs pour demain, c’est-à-dire des compétences de vie. C’est pourquoi, après la crise, nous allons continuer de mener des actions concrètes avec les professionnels de l’éducation, monter des projets dont les effets s’inscrivent dans la durée. Les temps de crise sont des temps pour se réinventer.