Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Gilets jaunes : que sont-ils vraiment devenus ?
Certains font leur réapparition sur le pavé à Mougins, d’autres, à Grasse ,se mobilisent autrement ou se sont retirés. Complotistes ou constructifs, des discours variés
La crise du Covid a-t-elle renvoyé le mouvement des Gilets jaunes aux oubliettes ? Pas sûr. Il est devenu pluriel, plus hétéroclite que jamais. Certains ont renfilé leurs tenues fluo et refont leur apparition sur le domaine public. Comme hier, au rond-point de la Victoire à Mougins où six d’entre eux distribuaient tracts economico-sanitaires à la sauce complotiste. «Non au puçage, traçage », « non à la dictature financière », « Menteurs en bande organisée ».
« Dictature sanitaire »
Parmi eux, Marc, un mobilisé de la première heure qui fustige pêle-mêle le gouvernement, Bill Gates, l’OMS, Mark Zuckerberg et applaudit le Dr Raoult et Donald Trump. « On a repris notre présence ici la semaine dernière. On ne doit pas être plus de dix. On ne lâche rien ». Les revendications ? « La vérité sur l’étude The Lancet sur la chloro, un vrai débat contradictoire sur la crise. Le Covid, c’est une escroquerie, une dictature sanitaire » ! D’autres comme Fabrice, syndicaliste de 57 ans, expilier de la Victoire, ont toujours leurs convictions, mais ont abandonné le pavé. « Cela ne sert plus à rien d’être sur les ronds-points. Je me positionne comme lanceur d’alerte ». Propos biberonnés de complotisme aussi. Le Covid ? « Une maladie inventée, une grippe un peu plus forte que les autres. D’ailleurs je ne mets pas de masque ». La crise ? « Une supercherie ». Pas trop de quoi servir la crédibilité des Gilets jaunes… À Grasse, pas le moindre Gilet jaune à l’horizon. Exfidèle au fief de l’Alambic,
Corinne, 54 ans, au chômage partiel dans la restauration, a décroché du terrain elle aussi. Mais pas de son engagement. « Pendant le confinement, on est tous restés en contact. J’ai aidé à préparer 50 000 repas en six semaines pour les soignants avec un collectif, le team Pascal. Et tous les mardis, nous soutenons les soignants dans leur mobilisation devant les hôpitaux de Cannes ou Grasse ». Car pour elle, « c’est bien d’applaudir aux balcons, mais il faut agir ». Et d’annoncer une action le 18 juin à l’appel des Gilets jaunes de Paris…
« Combat d’actualité »
À Grasse, le mouvement existe pourtant encore bel et bien. Mais travaille dans l’ombre « On continue à être mobilisé, confirme René, exgilet jaune à Saint-Jacques. On se réunit pour mettre en place des actions. On recontacte les maires pour les concerter autour du Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC). Désormais, les Gilets jaunes vont être une des composantes des mouvements de contestation. Mondialisation, défiance à l’égard de l’Union européenne, notre combat est largement d’actualité ». L’amertume pointe. «La crise a montré que quand il faut trouver de l’argent, on en trouve ». Avancer autrement que sur les ronds-points, c’est aussi l’avis de Joëlle, retraitée infatigable alors, qui s’est retirée. « Ce qui nous a tous changé, c’est d’être sorti dans la rue sur une idée égoïste et d’avoir embrassé une cause collective. J’espère qu’on n’aura pas fait tout ça pour rien ».