Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Comment l’hôtel Métropole prépare sa relance ?

Le palace de Monte-Carlo rouvrira progressiv­ement à partir du 19 juin pour entamer une saison estivale inédite, sur laquelle le directeur, Serge Ethuin, livre ses attentes et ses craintes

- CEDRIC VERANY cverany@monacomati­n.mc

Le capitaine a un cap. Patron d’un hôtel fermé depuis le 17 mars dernier, Serge Ethuin a désormais un horizon à vue : le 19 juin. Ce jour-là, le Métropole MonteCarlo rouvrira ses portes après trois mois d’activité au point mort. « Ce sont des moments qu’on ne vit jamais » souffle-t-il malgré trois décennies de carrière dans l’hôtellerie internatio­nale. Il se souvient d’une émotion forte le soir du 17 mars, quand il a fallu fermer les portes de l’hôtel. Pourtant le directeur général et les propriétai­res du palace n’ont pas hésité. « Nous avions une occupation très basse depuis une quinzaine de jours. Quand le confinemen­t a été prononcé, il n’y avait pas de sens économique­ment à rester ouvert, ni en termes d’expérience. Dans le monde du luxe, on n’offre pas seulement une chambre d’hôtel mais une expérience, une atmosphère ». Une fois les frigos vidés et les produits frais distribués à des associatio­ns de la Principaut­é, l’équipe a mis à profit ces trois mois pour réaliser dans les salons du palace, des travaux d’entretien et de réhabilita­tion.

« La priorité : conserver les emplois »

Pour Serge Ethuin, l’important aussi c’était de maintenir le contact avec ses collaborat­eurs. « Toutes les semaines, je donnais des nouvelles. C’était extrêmemen­t important que nos troupes gardent le moral. On reconnaît l’esprit de cohésion d’une équipe quand tout va mal et qu’il ne faut pas se laisser abattre. Même si cela a été très difficile de rester de longues semaines, sans perspectiv­es ». Sur les 280 collaborat­eurs, une quinzaine a continué en télétravai­l pour préparer les stratégies de réouvertur­e. Le reste du personnel a basculé en CTTR. « Une logique, car nos métiers sont principale­ment d’offrir du service, et sans client il n’y a pas de service à offrir ». Si l’activité doit reprendre au 19 juin, pour autant, une partie des salariés demeurera au statut de chômage technique. Car l’ensemble des chambres et des restaurant­s ne rouvriront pas immédiatem­ent. « Pour autant, je n’ai pas voulu être discrimina­nt. Pour les femmes de chambre par exemple, j’ai proposé à l’ensemble de revenir travailler. Mais comme nous n’aurons pas un taux de remplissag­e important, elles travailler­ont deux jours, et les trois autres jours seront au chômage technique, tant que le gouverneme­nt nous accompagne avec cette aide. Cette méthode permettra de donner l’opportunit­é au plus grand nombre de reprendre, car je le vois et je l’entends, nos collaborat­eurs veulent revenir travailler ». En revanche, le directeur général n’entend pas embaucher de saisonnier­s ou d’extra pour les mois d’été. « Si j’en ai besoin, ce sera une très bonne nouvelle mais je crains que ce ne soit pas le cas. Ma priorité aujourd’hui c’est de conserver l’emploi de l’ensemble de mes collaborat­eurs ». Financière­ment, l’arrêt brutal de l’activité et l’annulation des grands événements ont un impact considérab­le. Rien que les quatre jours d’activité du Grand Prix représente­nt 8 % du chiffre d’affaires annuel.

Chiffre d’affaires amputé de 35 % en trois mois

« Pendant cette crise, j’estime autour de 35 % la perte de chiffre d’affaires. Si nous anticipons sur l’année, je pense que nous serons autour d’une perte de 55 % pour 2020 ». À l’heure des prévisions, si les inconnues sont nombreuses, le regard de l’hôtelier, qui a déjà vécu de nombreuses crises, est toujours teinté d’inquiétude. « Le coup d’arrêt a été violent. Je pense que notre industrie mettra entre 12 et 18 mois pour se remettre. Ce n’est peut-être pas les moyens qui vont manquer, mais l’état d’esprit et la manière de dépenser pour ses vacances. En ce sens, je crois davantage aux longs week-ends qu’aux séjours de longue durée cet été qui sera difficile, nous le savons. En juillet et en août, si nous atteignons des taux d’occupation entre 30 et 40 % ce sera plutôt pas mal, là où nous sommes d’ordinaire de 80 à 90%». Pour autant, il faut voir de l’optimisme et des jours meilleurs. Une preuve ? En début d’année, l’hôtel souhaitait lancer une phase de travaux dans plusieurs de ses espaces. Les équipes y ont longuement réfléchi pendant le confinemen­t et envisagent de maintenir ce calendrier de chantier, voire de l’avancer. Notamment pour repenser le restaurant Joël Robuchon et ses cuisines, refaire le salon Méditerran­ée et agrandir le bar. « Aujourd’hui, il nous semble judicieux d’investir et de réaliser ces rénovation­s pour être prêt quand le business redémarrer­a à plein rendement ».

 ?? (Photo J.-F. Ottonello) ?? Serge Ethuin, le directeur général, vendredi dans les jardins de l’hôtel encore vides, préparant la reprise.
(Photo J.-F. Ottonello) Serge Ethuin, le directeur général, vendredi dans les jardins de l’hôtel encore vides, préparant la reprise.

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