Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Sénatoriales : la droite aspire au grand chelem
Le 27 septembre, la liste LR menée par Dominique Estrosi-Sassone, qui doit être investie ce soir, visera cinq sièges sur cinq. L’hégémonie de la droite fait que la concurrence s’organise en son sein
Les sénatoriales ? C’est l’élection la plus tordue que je connaisse, et ce n’est pas peu dire ! », confie un élu qui siège au Palais du Luxembourg. Un autre, qui aspire à y entrer, abonde : « Ces élections-là, c’est quelque chose ! » Une partie de billard à multiples bandes où la tambouille politicienne gargouille sans retenue. Nous sommes en plein dedans. Le 27 septembre, seront renouvelés pour six ans la moitié des sénateurs français, dont les cinq des Alpes-Maritimes. Quatre sont aujourd’hui de droite (Dominique EstrosiSassone, Henri Leroy, Colette Giudicelli, Jean-Pierre Leleux), le cinquième est socialiste (Marc Daunis). La structure même de cette élection [lire ci-dessous] fait qu’elle reproduit assez fidèlement les équilibres politiques municipaux. Dans notre département, où la quasi-totalité des vingt communes les plus peuplées sont sous la coupe de la droite, cette dernière est donc promise à une moisson a priori sans partage.
Le siège éjectable du Parti socialiste
En 2014, le socialiste Marc Daunis avait en partie bénéficié des bisbilles à droite pour décrocher son siège, pour trois voix seulement
Dominique Estrosi-Sassone, Henri Leroy, Colette Giudicelli, Jean-Pierre Leleux et Marc Daunis, les sénateurs sortants.
(dont deux invalidées) au détriment d’Olivier Bettati, alors à la tête d’une liste divers droite dissidente. Désormais absent du conseil régional depuis l’élection de 2015, ayant perdu ici et là des sièges dans les conseils municipaux, le PS aura cette fois bien du mal à conserver un sénateur. Son secrétaire fédéral, Xavier Garcia, le concède comme toujours sans fard : « Notre seule chance de garder un sénateur est de réaliser une union de toute la gauche ou, a minima, avec les écologistes. Si un accord doit intervenir, il viendra en tout cas des directions nationales », dit-il, échaudé par les cavaliers seuls des Verts et d’une partie de la gauche lors des municipales. Le RN n’ayant, de son côté, pas assez de grands électeurs dans le département pour faire élire l’un des siens, Les Républicains ont donc la voie libre. Et les soucis de riches qui vont avec : il n’y a que cinq places possibles sur leur liste (plus deux remplaçants), pour bien davantage de prétendants…
Vers une liste Bettati
La liste LR doit être validée dès aujourd’hui par la Commission nationale d’investiture du parti, qui se réunit en soirée à Paris, présidée par Eric Ciotti. Elle sera le reflet d’un modus vivendi entre les barons du département (Christian Estrosi, Eric Ciotti, Jean Leonetti, David Lisnard et Michèle Tabarot). La sénatrice sortante Dominique Estrosi-Sassone la conduira, suivie en principe par Henri Leroy. Colette Giudicelli ne repartant pas, la troisième place est promise à la conseillère départementale et municipale antiboise Alexandra Borchio-Fontimp ; la quatrième devrait revenir à l’actuel vice-président du conseil régional Philippe Tabarot. Et la cinquième, parité et équilibre territorial obligent, devrait échoir à une femme adoubée par Christian Estrosi et incarnant plutôt l’Est du département… En l’occurrence Patricia
Demas, maire de Gilette depuis 2014. Ce scénario, tel qu’il est pour l’instant ficelé, s’est trouvé simplifié par la décision de Jean-Pierre Leleux de ne pas se représenter [lire ci-dessous]. Il devrait, néanmoins, y avoir une autre liste de droite face à celle des Républicains… Comme en 2014, Olivier Bettati va sans doute mener une équipe divers droite. Avec cette fois plus de chances d’être élu, il le pense. L’ancien conseiller général RPR, qui s’était alors violemment opposé à Christian Estrosi et était parti frayer avec le RN, n’est plus vraiment le renégat de la droite. Il rentre doucettement au bercail. Tant Renaud Muselier, son ami, que Christian Estrosi et son entourage ont multiplié les amabilités à son égard ces temps-ci. Sa candidature serait, en quelque sorte, celle d’une concurrence savamment orchestrée… Rien n’étant simple dans cette élection, d’autres recalés de la liste LR pourraient par ailleurs trouver refuge sur une liste LREM… Ou plutôt sur « une liste sans étiquette de droite », indique
Les sénateurs sont élus par les seuls « grands électeurs » du département. A savoir, les parlementaires, conseillers départementaux, conseillers régionaux issus du département, conseillers municipaux et délégués des communes. Les communes de moins de habitants ont droit entre un et quinze grands électeurs, en fonction de leur nombre de conseillers municipaux. Dans les communes de plus de habitants, tous les conseillers municipaux sont électeurs de droit. Dans celles dépassant habitants, s’y ajoutent des délégués supplémentaires choisis par le conseil municipal parmi la population, à raison d’une personne pour habitants au-delà de . Dans les Alpes-Maritimes, le corps électoral avoisinera ainsi grands électeurs ( en ). Dans les départements élisant un ou deux sénateurs, le scrutin est majoritaire à deux tours. Dans ceux, tel le nôtre, qui élisent au moins trois sénateurs, il est à la proportionnelle par listes. Il faut avoir ans révolus pour être candidat aux sénatoriales.
Liste UMP menée par D. Estrosi-Sassone : voix (, %, sièges) Liste divers droite menée par J.-P. Leleux : voix (, %, siège) Liste PS menée par M. Daunis : voix (, %, siège) Liste divers droite menée par O. Bettati : voix (, %, siège) Liste FN menée par L. Schénardi : voix (, %, siège) Liste Front de gauche menée par G. Piel : voix (, %, siège) Liste EELV menée par A. Jaeger : voix (, %, siège) Liste Debout la République menée par T. Giorgio : voix (, %, siège)
la députée Alexandra ValettaArdisson. La direction nationale de LREM y réfléchit. « Nous avons été sollicités par des gens qui ne seront pas sur la liste LR et qui sont pas opposés à Emmanuel Macron, ditelle. Mais nous ne ferons pas une liste juste pour faire une liste, surtout si se profile le risque d’une division pouvant profiter au RN ou à quelqu’un
comme Olivier Bettati… » En arrière-plan de ces tractations sénatoriales, chacun a déjà en tête les départementales et régionales de 2021. Le scrutin régional en particulier, pour lequel la droite entend resserrer les rangs, au regard de la manne financière que représente la Région.
Il est sénateur depuis 2008. A 73 ans, l’ancien maire de Grasse Jean-Pierre Leleux a décidé de ne pas briguer un troisième mandat. « Cette décision est le fruit d’une longue et intime réflexion. D’un côté, j’aurais aimé poursuivre la mission de représenter les Alpes-Maritimes, ses territoires et ses élus au Sénat. Vice-président de la Commission de la Culture, de l’Education et de la Communication, j’ai pu y agir sur des textes qui m’ont passionné. Particulièrement ceux concernant les médias, l’audiovisuel et le patrimoine », pose-t-il. Avant de poursuivre : « Mais la raison et mon ressenti intime m’ont convaincu qu’il était l’heure de laisser – une fois encore – la place libre. J’ai d’abord fait le constat d’une vie, citoyenne et politique, bien remplie. Avec ses joies, ses peines, ses succès et ses échecs » : 31 années, dont 19 comme maire, au conseil municipal de Grasse, « les plus passionnantes de tout mon parcours », 13 autres au conseil général, avant les 12 passées au Palais du Luxembourg.
« Apporter autrement ! »
« En 2014, ajoute-t-il, j’ai pu passer le flambeau, avec succès, à la tête de la Ville de Grasse et ce fut pour moi un moment très fort. J’avais déjà estimé que la passion politique ne devait pas occulter la transmission à de nouvelles générations. J’ai beaucoup donné et beaucoup reçu. Mais j’ai dû laisser sur le bord de mon chemin d’autres passions qui me tenaient à coeur, au premier rang desquelles ma famille. J’aspire à m’impliquer davantage dans les joies que me procurent mon épouse, mes 3 enfants et mes 9 petits-enfants. Par ailleurs, j’ai tant de projets personnels qui attendent depuis si longtemps : écrire, lire, apprendre encore, faire de la musique. Lancer de nouvelles activités. Apporter autrement ! »