Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Les jours
Et maintenant ? Que faire des jours qui viennent ? Et même des , si l’on peut bien admettre que l’année qui précède une élection présidentielle est la moins propice aux réformes comme aux initiatives politiques d’envergure. Le président de la République a promis « un nouveau chemin ». La formule est assez vague pour prêter à toutes les interprétations. Il n’est d’ailleurs pas certain que la chose soit très claire dans la tête de l’intéressé lui-même, qui n’a plus que quelques jours pour mettre ses idées au net. Renouant avec une tradition inaugurée par ses prédécesseurs, le chef de l’Etat fera connaître à l’occasion de la fête nationale son projet pour le temps qui lui reste. Ce sera la feuille de route du gouvernement Castex. « Gouvernement de mission », dit-on. De mission casse-gueule, oserait-on ajouter, tant le monde d’après ressemble au monde d’avant… en pire, avec une croissance en berne, des finances publiques sur le flanc, et à l’horizon, une vague de faillites et de chômage. Stop ou encore ? Quid des réformes promises et des chantiers inachevés ? On maintient le cap ? On presse le pas avant l’orage ? On empanne ? On se replie sur les – rares – sujets qui font à peu près consensus – décentralisation, reconquête de la souveraineté économique dans les secteurs stratégiques ? On met au congélateur les sujets qui fâchent, bien plus nombreux, afin de se concentrer sur les nécessités de la « reconstruction » ? Choix cornélien pour un pouvoir qui avait fait de la réforme et du mouvement l’alpha et l’oméga de sa politique. Révisions déchirantes à l’automne d’un quinquennat où rien ne s’est passé comme prévu. Par sa faute ou par les aléas du destin, le pouvoir a essuyé trois tempêtes de force («gilets jaunes », bataille des retraites, crise du coronavirus) qui ont tout balayé et effacé les réussites dont il pouvait se targuer : début de réduction des déficits publics, baisse du chômage, envolée historique des créations d’entreprises. A chaque fois, ce président de la République qu’on disait jupitérien a dû modifier son logiciel sous la pression de l’événement. En cet étrange pays de France, on croit volontiers au pouvoir absolu du Président, de qui tout procède. Mais la politique est relative, qui doit composer avec les contraintes internationales, la capacité de résistance des corps intermédiaires, le poids de l’opinion publique, la puissance des réseaux sociaux. Et plus que tout : les impondérables. « Le réel, c’est quand on se cogne », disait Lacan. Aujourd’hui, voilà Emmanuel Macron à nouveau contraint de revoir sa copie. Dans un contexte infiniment plus compliqué que celui de . Le macronisme, au fond, était un pari. Une tentative de transcender le clivage gauche/droite (le « vieux monde ») et prendre le meilleur de l’une et de l’autre (le fameux « en même temps ») pour lever les blocages qui paralysaient l’action publique et nourrissaient défiance et ressentiment envers le « système ». Trois ans plus tard, la société n’a jamais été aussi clivée. La recherche de voies moyennes et de solutions de compromis plus incertaine. Sur tous les sujets du moment, qui sont autant de fronts – retraites, lutte contre le réchauffement climatique, gestion du maintien de l’ordre, financement du système de santé – les positions se sont radicalisées. Limites du en-même-temps. Ses atouts ? La division des oppositions. Et un socle de soutien encore conséquent. Ses risques ? La coagulation des colères et des ressentiments. La fracture avec le peuple. L’enjeu ? Sa réélection, bien sûr. Mais avant même d’y songer, trouver les mots et les actes qui redonnent sens et cohérence à un quinquennat si malmené. jours pour y parvenir. C’est à la fois très long et très court.
« Aujourd’hui, voilà Emmanuel Macron à nouveau contraint de revoir sa copie... »