Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

« En Algérie, on ne

Formés au Paradou, et font les beaux jours du Gym. Entretien

- A Divonne-les-Bains, William HUMBERSET et Vincent MENICHINI Photos : OGC Nice Médias

n les a retrouvés après le dîner pour plus d’une heure d’échanges. Dans l’immense salon de l’hôtel de Divonne-les-Bains, Youcef Atal et Hicham Boudaoui ont affiché leur complicité, leur bienveilla­nce l’un envers l’autre. Biberonnés à l’Académie du Paradou près d’Alger, ils vivent encore sous le même toit à Nice. De ce destin lié, les deux champions d’Afrique ont accepté d’en parler comme ils ne l’avaient jamais fait. Avec Atal et Boudaoui, le Gym tient deux pépites. Deux gamins venus d’ailleurs aux yeux rieurs.

Enfant, c’était un rêve ou un objectif de venir jouer en Europe ? Youcef Atal : cela a toujours été un objectif de venir jouer en Europe, en Ligue , mais on n’était vraiment pas sûr de pouvoir y arriver. On regardait tout le temps du foot à la télé. On ne pensait qu’à ça. On aime trop ça depuis tout petit. On a beaucoup travaillé pour en arriver là car ce n’est pas facile depuis l’Algérie. On avait très peu de moyens. Mais dans la vie quand tu as des conviction­s, c’est plus facile. Hicham Boudaoui : c’est à  ans que je me suis dit que c’était possible. Avant, c’était un rêve. J’ai bossé très dur pour en arriver là.

L’OGC Nice a-t-il changé vos destins ?

Y.A. : c’est ça la vie… Si un agent n’était pas venu me chercher en Algérie, je ne serais jamais parti en Belgique. Ensuite, si le gars de Nice (Serge Recordier, ndlr) ne vient pas voir un match de Courtrai, je ne viens pas à Nice. Bon, j’ai appris plus tard qu’il n’était pas venu pour moi (rires).

Quitter l’Algérie, cela a été un déchiremen­t ?

Y.A. : c’est dur de tout laisser. Je ne parlais pas bien la langue mais je n’ai jamais eu peur de me lancer en français. Ma famille me manquait beaucoup. Au début, en Belgique, je ne jouais pas beaucoup. H.B. : pour nous, il y a tout qui change : la langue, la culture, la nourriture. J’ai eu la chance d’avoir Youcef à mes côtés à Nice. C’est un grand frère, un guide. Y.A. : on était comme des frères au Paradou, déjà. A l’académie, les grands ont chacun leur petit. Moi, c’était Hicham. H.B. : C'est comme mon grandpère même (rires) ! On est très fier d’être deux joueurs formés au Paradou à Nice, en Europe.

Votre popularité a explosé au pays depuis votre victoire à la CAN. Comment gérez-vous ça ?

Y.A. : quand je rentre chez moi, je ne peux plus aller manger dans un restaurant. Si on me reconnaît, je vais rester deux heures de suite dans la rue à signer des autographe­s et faire des selfies. Je suis obligé de sortir caché, avec des lunettes et une casquette. En Algérie, tout le monde a regardé la CAN. C’était la folie. On a mis sept heures pour un trajet de  minutes en temps normal. On voyait des mères de famille avec leur bébé dans les bras au milieu de la foule. Un truc de fou, ça faisait  ans que le pays attendait ce moment. H.B. : c’est vrai que dans mon quartier, je ne peux plus me balader tranquille­ment. On ne va pas se plaindre, c’était notre rêve d’enfance. On est touché de toutes ces marques d’attention. Y.A. : mais il faut savoir gérer tout ça, bien s’entourer.

L’Académie du Paradou est une référence. Comment l’avez-vous intégrée ?

Y.A. : déjà, c’est la seule académie au pays. Tous les joueurs veulent y aller. On travaille beaucoup, on dort là-bas. H.B. : j'ai quitté ma région à  ans, petit, c'était dur. J’ai fait ce sacrifice. Je pouvais téléphoner parfois à ma famille. Mon grand frère venait régulièrem­ent me voir. Depuis ma région, c’est  kilomètres en voiture. J’ai été repéré après une détection. Je suis ensuite resté deux mois à l’Académie avant le stage final. Sur les  joueurs retenus, ils n’en ont gardé que . Y.A. : moi, je suis entré à  ans.

J’avais choisi un autre club mais j’avais des potes au Paradou. J’avais passé les tests àans,ils me voulaient à l’Académie mais je n’ai pas voulu abandonner la famille. On venait de déménager, ce n’était pas le moment. A l’époque, je jouais arrière gauche pour rentrer sur mon pied droit. H.B. : je jouais défenseur central, moi, à mes débuts à l’Académie !

Si besoin, vous pouvez donc jouer avec Dante ?

Y.A. : oui, oui il a une petite expérience (rires). H.B. : non, non...

Vous êtes aujourd’hui les deux fleurons de cette Académie…

Y.A. : c’est une fierté. En Algérie, il n’y a pas beaucoup de familles aisées. Notre objectif prioritair­e, c’est de mettre les nôtres à l’abri. J’ai deux soeurs et un frère. Bien sûr, j’ai raté des choses en tant qu’enfant, mais pour le bien de tous. H.B. : j’ai toujours pensé à ma famille. J’ai cinq frères et trois soeurs. Je suis le benjamin de la famille, le petit protégé.

Quelles étaient vos idoles ?

Y.A. : Ronaldinho. H.B. : tous les trois ans je change. J’ai eu Eto’o, Pogba… Maintenant, je n’en ai plus.

Youcef, votre blessure au genou en novembre  a été le premier coup dur de votre carrière.

Y.A. : je n’avais jamais été blessé aussi gravement. Quatre mois de convalesce­nce, le confinemen­t… Mais ça m’a fait grandir. Tu apprends toujours dans les moments comme ça. J’avais Hicham à mes côtés. C’est un bout de ma famille. H.B. : je l’ai aidé, naturellem­ent. Je lui parlais, lui remontais le moral.

Comme a pu le faire Youcef quand vous êtes arrivé à Nice...

H.B. : je n’avais jamais mis un pied en Europe. J’ai découvert un autre monde. Le destin nous lie. On vit ensemble. On n’a pas envie de se quitter. C’est Youcef (Atal) qui conduit le plus souvent pour aller à l’entraîneme­nt. Au moins, on est sûr d’y arriver à l’heure (rires).

Le club de vos rêves ?

Y.A. : le Real Madrid, Liverpool. H.B. : Barcelone, Juventus Turin.

Les supporters niçois font preuve de beaucoup d’affection envers vous…

Y.A. : ils sont chauds ! Jouer à l’Allianz, c’est magnifique. H.B. : j’ai été élu meilleur espoir, quelle fierté ! Je suis venu pour travailler. Je ne pensais pas jouer autant après aussi peu de temps à Nice. Je n’avais jamais évolué ailier droit.

Quels sont vos meilleurs souvenirs niçois ?

Y.A. : ma première entrée (en août , ndlr). J’avais trop faim.

Je me devais de tout donner pour gagner ma place dans le onze. Le triplé contre Guingamp, avec ma volée du gauche, c’était bien aussi, comme mon match au Parc des Princes. H.B. : pour moi, c’est notre victoire à l’Allianz contre Lyon, avec ma passe décisive pour Kasper (Dolberg). Y. A. : à l’aller, je l’avais grondé parce qu’il n’avait pas tenté le piqué face au gardien (rires).

Dante a toujours eu de précieux conseils…

Y.A. : quand je regardais le championna­t de France, j’aimais beaucoup Dante. Il joue propre, relance bien. C’est un technicien, un vrai Brésilien. Il sait bien gérer les jeunes, il nous aide. Très vite, je me suis rapproché de lui. H.B. : je suis plus timide. Il m’a fallu deux, trois mois avant d’aller oser lui parler.

Youcef, on vous reproche parfois de penser plus à attaquer qu’à défendre. Etes-vous d’accord ?

Y.A. : mon poste, c’est arrière droit. Je sais donc qu’il faut que je défende. Mais j’attaque tellement qu’on ne voit pas trop lorsque je défends. Mais si je reste derrière, tu vas me dire que je ne fais que défendre (rires) ! Contre Lyon, c’était mon premier match depuis sept mois. J’ai géré mes efforts. Bon, au début, j’étais chaud. Mais j’aurais tenu  minutes à ce rythme ! (sourire)

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Youcef Atal,  ans, et Hicham Boudaoui,  ans, se sont longuement confiés en marge du stade à Divonne.

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