Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

La Bollène-Vésubie ne sait pas sur quel pied danser

Le passage du Tour devait être une grande fête pour ce village situé au pied du mythique col de Turini. Mais avec les restrictio­ns, les habitants s’interrogen­t : est-ce que cela vaudra le coup ?

- A. L. alouchez@nicematin.fr

Une sacrée riboulding­ue s’annonçait. Dimanche, la deuxième étape du Tour de France passera par le fameux col de Turini (1 604 m), pour la première fois depuis 1974. Il traversera donc La Bollène-Vésubie, village de 900 âmes (500 à l’année), déjà rompu aux ParisNice, mais aussi aux rallyes de Monte-Carlo. Mais la Grande Boucle, c’est autre chose. La visibilité, les hélicos, les touristes, la caravane, les saucissons… La Bollène-Vésubie, comme tout le haut pays niçois s’en faisait une joie. C’est d’ailleurs toujours le cas de Jeannine et Claude Boglio. Niçois à l’année, ils viennent passer tous les étés dans leur maison à l’entrée de la commune, où les cyclistes attaqueron­t une première chicane. Jeannine et Claude comptent bien la décorer, avec pancarte, sonnailles et autre panier à champignon… « Tout ce qui symbolise l’arrière-pays. Ça va être la fête, il va y avoir du monde. » Mais mercredi, il n’y avait pas grand monde d’aussi catégoriqu­e.

« À quelle sauce on va être mangés ? »

Dans les rues du village, les habitants n’ont qu’un mot à la bouche : « restrictio­ns ». Elles font sonner le téléphone de l’office de tourisme. Elles inquiètent les nombreux résidents secondaire­s, qui craignent de ne pas pouvoir monter. Et elles font râler les commerçant­s, qui se voient perdants d’avance… Après des semaines

Chantal et Claude sont convaincus que ce sera une « grande fête », au village.

d’informatio­ns contradict­oires et de rumeurs sur les mesures mises en places en ces temps de coronaviru­s, le tour de vis du préfet a été officialis­é mercredi. Barrages filtrants dès samedi soir, accès au col terminé dès 6 heures, dimanche. Fortement encouragée par la préfecture, la mairie a fait le choix de ne pas proposer d’animation. Seuls le comité des fêtes et l’épicier tiendront un stand chacun. Les rues, elles, sont promises à un peu de décoration. Résultat, à quelques jours de l’événement, le village est dans l’attente. Le doute. «On ne sait pas à quelle sauce on va être mangés au niveau de notre quotidien, résume Chantal, en terrasse du restaurant L’Escapade. Après, ça a beaucoup fait parler tout au long de l’été. Et ça va attirer du monde : mes voisins reçoivent des potes pour le week-end, ma soeur aussi. Mais c’est vrai qu’on ne voit que le négatif, alors que ça aurait dû être du positif pour le village en temps normal. » À ses côtés, Bernard rumine. Lui qui ne loupe jamais une étape des Alpes pense regarder la traversée historique de son village depuis son téléviseur. «Le Tour, c’est plus que du cyclisme, ça te fait voyager en France. Mais là, ça me fait peur. Quand je vois qu’on est en zone rouge… Dans le haut pays, on a été très peu touchés. Là, avec tous ces gens qui vont nous polluer… C’est dommage. Mais c’est le contexte, on n’y peut rien. »

« On est contents, hein »

Faut-il s’inquiéter ? Être déçu d’avance ? Se raisonner ? Certains se reprennent dans leur plainte, comme si on n’avait pas le droit de cracher dans la soupe : « Bon, on est contents d’accueillir le Tour de France, hein… » Il y a la crainte de la même rengaine que pour le rallye ou le Paris-Nice : beaucoup de nuisances, pour peu de retombées. Le report de l’Étape du Tour revient souvent sur le tapis. « Prendre la températur­e du village ? Elle est très mauvaise !, allume Laurent Laskar, le gérant de L’Escapade. On est au courant de rien. Comment les gens vont pouvoir monter ? Est-ce que ça aura lieu à huis clos ? Est-ce que je commande des boissons ou pas ? » Pour lui, c’est un peu la goutte de trop cette année. « J’ai failli fermer, par solidarité avec les soignants. Cet été, on nous a supprimé toutes les festivités qui font vivre les petits villages et là, on autorise ces grandes manifestat­ions… C’est l’argent qui gouverne. » « C’est sûr qu’au niveau commercial, c’est dur, relativise Philippe, habitant à Cap-d’Ail à l’année et fin prêt pour dimanche. Mais le Tour, c’est un événement pour les enfants, les petits-enfants. Moi je l’ai vu petit et je m’en souviens encore. Covid ou pas, on les verra passer. »

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(Photos A. L.)

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