Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

On est des survivants”

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Le 10 mai 1981, outre l’arrivée de la gauche au pouvoir, des petits jeunes faisaient leur première répétition, Indochine. Quarante ans et treize albums plus tard, le groupe est toujours là, écoulant des disques et des places de concerts gigantesqu­es comme des petits pains, fidélisant les troupes génération après génération. Et à force d’entendre parler de come-back pour ceux que les années 1990 ont malmenés, on peut bien dire qu’« Indo » n’est jamais parti. Unique rescapé de la formation initiale, Nicola Sirkis, entouré depuis une vingtaine d’années de Marc Éliard, Boris Jardel, Oli de Sat et Ludwig Dahlberg, s’apprête donc à fêter sa quarantain­e en fanfare. Une nouvelle chanson, Nos célébratio­ns, qui vient de sortir, deux disques retraçant quatre décennies de singles, dont le premier sort ce vendredi. Et une tournée des stades l’été prochain, avec, si tout va bien, un Orange Vélodrome le 5 juin. Si la crise sanitaire lui en laisse la possibilit­é, Nicola Sirkis sera aussi le parrain de la Foire de Marseille, du 25 septembre au 5 octobre.

Cette longévité, c’est aussi parce que vous n’avez jamais lâché pour une carrière solo ?

J’ai toujours cru qu’Indochine et ses morceaux étaient intemporel­s. C’est pour ça que L’Aventurier sonne toujours. Pour ça que j’ai continué d’y croire après les départs de Dimitri et de mon frère. Là, le groupe est stable depuis vingt ans. Ce groupe n’a rien à voir avec la nostalgie. Quarante ans, c’est une étape, c’est dire qu’on a fait cinquante-six singles qui ont marqué des moments, croisé des périodes d’actualité joyeuse ou terrible… On fait un peu partie de l’Histoire de France ! C’est pour ça que le dernier clip commence par l’élection de Mitterrand et se termine par la Covid-. On est des survivants, je suis un survivant. On traverse en observateu­r mais on est toujours là.

Ce clip, celui de Station  sur les violences policières, on pourrait en citer d’autres. Indochine est politique ?

Indochine, c’est un observateu­r et un sentimenta­l. On vit dans ce monde-là, on a l’impression d’être dur, comme ce garçon sur la pochette qui pourrait être le Nicola Sirkis de . On voulait montrer qu’on était fort mais au fond, on avait un peu peur. On a subi des événements, on n’est pas d’accord avec d’autres, on a le pouvoir de l’écrire et de réunir des gens avec. Mais le rock est politique, tout acte est politique. Nous, notre acte, c’est la tolérance, l’humain.

Ses alignés montrent aussi que, musicaleme­nt, c’est cohérent depuis le début ?

singles

C’est peut-être ça qui a permis au groupe de durer. On n’a jamais collé aux modes. On a toujours fait ce qu’on aimait et ce qu’on savait faire : des pop songs.

Mon éducation à moi, c’est la pop anglaise, les Beatles, les Stones, Bowie, Patti Smith. On est resté dans ce qui était important : trouver la bonne mélodie.

Vous présentez ici des versions piano et piano-voix de certains titres. Pour remettre la mélodie au centre ?

C’est exactement ce que je voulais. C’est un fan coréen qui m’a envoyé des versions piano et j’ai trouvé que c’était une bonne idée. L’histoire d’Indochine est parsemée d’histoire de fans, Oli de Sat est un fan qui, il y a vingt ans, m’envoyait des remix… Là, j’ai trouvé ça bien de me taire, pour laisser vivre les mélodies.

Cinq stades sont prévus en , la crise sanitaire vous inquiète ?

Elle m’inquiète pour les personnes fragiles. Moi je suis un privilégié. Elle m’inquiète pour les Américains, les Péruviens… En France au moins, on a un système de santé, de chômage. C’est vrai que les artistes, on en prend plein la gueule. Oui, ça m’inquiète… Mais nous travaillon­s depuis un an sur ces concerts, on va continuer, on va mettre en vente. Suivre le protocole. On a pris toutes les assurances possibles pour que, si jamais ça ne pouvait pas avoir lieu en , ça soit en . On a déjà réservé les stades, parce qu’il faut savoir que les jours de disponibil­ités, les artistes Américains les achètent à prix d’or. Ces concerts, c’est la plus belle façon pour le groupe de fêter ses quarante ans : dans un stade et pas uniquement à Paris…

Des places seront réservées pour inviter les profession­s mises à rude épreuve pendant la crise, comment ça doit se passer ?

Plus qu’à rude épreuve, en première ligne. C’est le minimum qu’on pouvait faire, nous, on est resté chez nous. Les conducteur­s de bus, les caissières, les éboueurs, les soignants, tous ceux qui ont fait avancer la société. En général, dans les concerts en stade, les places gratuites se réservent pour les gens “importants” de la ville… donc nous, on les réserve à ces gens-là. On va demander aux tourneurs locaux de s’en occuper.

Un de vos fils rouges, c’est la jeunesse. Vous avez  ans, comment réussissez-vous à chanter encore l’adolescenc­e ?

J’ai des enfants et je reste un adolescent éternel ! Mais il n’y a pas que ça : La vie est belle, c’est une chanson sur le cancer, par exemple. Mais c’est vrai que tout ce que j’ai vécu dans mon adolescenc­e ressort. C’est l’âge de la vie où on est très observateu­r. Ce n’est pas un hasard si j’ai choisi de faire du rock : je n’ai jamais voulu rentrer dans le monde adulte et pourtant je me sens beaucoup plus adulte que les adultes qui tiennent le monde dans leurs mains.

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