Nice a tenu bon, le Tour va s’élancer

Longtemps menacée, reportée de deux mois, la 107e édition du Tour partira bien aujourd’hui à 14 h du boulevard Jean-Jaurès. Mais la grande fête populaire attendue n’aura évidemment pas lieu

Trente-neuf ans que Nice attend un grand départ du Tour. Plus d’une décennie que Christian Estrosi, charmé par la foule monstrueuse massée sur le bord de la promenade des Anglais lors de l’étape Monaco-Brignoles, en 2009, fait du lobbying auprès des dirigeants d’ASO afin d’obtenir ce lancement. Cette longue cour a payé, puisque le maire de Nice a officiellement scellé cet accord avec Christian Prudhomme en mars 2019. « Ça fait 10 ans que je me bats pour que Nice puisse l’organiser, pour sa dimension sportive, événementielle mais aussi économique » , se réjouissait-il alors. Après les Jeux de la francophonie 2013, l’Euro 2016, la Coupe du monde féminine 2019, Christian Estrosi montait encore un peu plus le curseur et réalisait en même temps un rêve d’enfant, lui qui a grandi avec un regard émerveillé devant les exploits de Raymond Poulidor ou Bernard Thévenet. Sa ville allait être au centre du monde le samedi 27 juin 2020. Mais la crise mondiale de la Covid est passée par là et tous les plans ont dû être revus, reconstruits de multiples fois. La Grande Boucle, « que seules les guerres ont arrêtée », comme aime le rappeler Christian Prudhomme, a très longtemps été en sursis.

La seule épreuve sportive majeure en 

Pendant le confinement, au plus fort de la crise sanitaire, les téléphones des organisateurs, à la mairie comme chez ASO, ont chauffé. Toutes ces personnes impliquées depuis de multiples mois se sont retroussé les manches pour essayer de sauver le Tour (1). « Si Christian Estrosi n’avait pas été le premier à me dire, le matin du 14 avril, comme ensuite tous les élus des villes départs et arrivées du Tour : “On tient, on sera là”, on ne serait pas ici aujourd’hui », ne cache pas Christian Prudhomme. En cette année 2020 qui a vu valser l’Euro de football, le GP de France de F1, les championnats d’Europe d’athlétisme ou les JO, le Tour fait figure d’exception. Même si son départ fait grincer des dents parmi ses opposants, alors que les AlpesMaritimes sont passées en zone rouge jeudi, il va tenter de montrer que le sport a encore sa place dans ce monde d’après. Bien sûr, cette Grande Boucle ne ressemble en rien à celles que l’on a connues. Les départs et arrivées seront cachés par des panneaux occultants, les coureurs inaccessibles et enfermés dans une bulle sanitaire, les cols filtrés et tous les spectateurs masqués et éloignés les uns des autres sur le bord de la route. Les forces de l’ordre auront même la mission de disperser ceux qui auraient encore l’envie de se regrouper pour encourager leurs idoles. Des valeurs aux antipodes de ce que le Tour renvoie habituellement. L’épreuve partira dans un quasi-huis clos, comme l’a évoqué le préfet Bernard Gonzalez. Mais elle partira. « Si, même au milieu de la crise mondiale, la France avec l’aide de ses collectivités, derrière ASO, avait la possibilité de sauver un patrimoine français aux yeux du monde, c’est une victoire et un investissement sur l’avenir », estime Christian Estrosi. « Il n’y aura pas la même ferveur, mais ça reste forcément une fête, parce que c’est l’épreuve qui va incarner, sur la planète tout entière, la vie à travers les routes, les paysages, les villages, ce que notre pays comporte de plus beau comme patrimoine. » Aujourd’hui, 190 pays auront ainsi les yeux rivés sur Nice. Les paysages de l’arrière-pays niçois seront sans doute magnifiés par les images des hélicoptères. Mais, pour beaucoup, c’est surtout le respect des consignes sanitaires qui sera scruté. Les coureurs vont enfin pouvoir se jauger aujourd’hui, mais c’est, plus globalement, le sport qui passe un véritable test. 1. 50 agents ont été mobilisés spécifiquement sur l’événement depuis plus d’un 1 an. 260 bénévoles ont été recrutés par la direction des sports durant le 1er semestre 2020 pour les missions d’accueil, d’orientation et d’animation…

(Photo Eric Ottino) C’est dans cette ambiance masquée que Christian Prudhomme et Christian Estrosi, ici avec le préfet Bernard Gonzalez, donneront le départ du Tour aujourd’hui.