Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Le temps du Tour

- de Philippe CAMPS Chef du service des Sports pcamps@nicematin.fr

Vous ressentez un léger frisson ? Normal. C’est l’excitation ou la fièvre. Le Tour ou la Covid. L’un ne va plus sans l’autre. À croire que le virus va porter un dossard. Le grand départ fait grimper un peu plus la températur­e. Alerte rouge. Dans nos têtes, transformé­es en chaudières, la crainte et l’emballemen­t, roue dans roue, se disputent un sprint de folie. Le Tour est là. Sous nos fenêtres, sur nos routes. Au bout de nos doigts baignés de gel hydroalcoo­lique. Troisième sur le podium des événements sportifs les plus suivis par la planète avec les JO d’été et la Coupe du monde de football, la Grande Boucle est la seule qui s’offre au public. La seule à portée de main. Cette année, il faudra les garder au fond des poches. Pas touche ! Le protocole sanitaire a mis une bulle sur le peloton, un masque sur la passion. On ne va pas se plaindre : le Tour est un miraculé. Longtemps au bord du vide, il a échappé au fossé où reposent tant de compétitio­ns. Nous avons trois semaines pour protéger et chérir ce rescapé qui accompagne nos vies et escorte nos étés. Le monde entier nous regarde. C’est le moment d’être irréprocha­bles ou de rester devant sa télé. Le Tour a résisté au dopage, il survivra au coronaviru­s, mais cette fois encore il joue gros tant l’exode massif des équipes contaminée­s, sans parler de l’arrêt de l’épreuve, aurait des conséquenc­es lourdes sur le pays en général et le sport en particulie­r. Fallait-il maintenir le départ coûte que coûte ? On espère que la réponse ne tombera pas avant le passage sur les Champs-Élysées, le dimanche  septembre. Ce ne serait pas bon signe. Même sans un doux parfum de fête, le Tour reste un monument national et une affaire personnell­e. Il habite la mémoire collective et loge des images chez chacun d’entre nous. Rangé dans mon plafonnier, Merckx en jaune, Ocana en détresse, Poulidor en sandwich, Hinault en patron, Van Impe en danseuse, Chiappucci en folie, Cipollini en trombe, Virenque en transe, Pantani en lévitation ou Pinot en larmes. Ce dernier qu’on rêve de voir à la première place tant il fut le héros maudit d’une édition  ébouriffan­te. Le Tour qui approche devrait lui aussi exhiber ce grain de folie qui secoue les coeurs et le peloton. Malgré le contexte angoissant et les mesures corsetées, la course aux maillots a rarement été aussi indécise et provocante. Si les cols sont filtrés, les émotions devraient monter jusqu’au sommet. Voilà, nous entrons, aujourd’hui, dans des jours flous, fiévreux et fascinants. Nous entrons dans le temps du Tour. Le temps de la vie.

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