Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Comme un boomerang

- de THIERRY PRUDHON Reporter edito@nicematin.fr

Il ne suffit pas de savoir faire, encore faut-il le faire savoir. L’applicatio­n de ce précepte n’est pas neuve en politique. Très rares sont ceux qui résistent à la tentation d’un micro. L’ascèse médiatique n’est pas le fort de la maison. Et comme les journalist­es eux-mêmes, soyons honnêtes, poussent à la consommati­on, le système s’alimente jusqu’à l’overdose. L’occupation du terrain, l’omniprésen­ce, le gouverneme­nt Castex en a clairement fait sa stratégie depuis début juillet. Les ministres sillonnent la France à un rythme échevelé, le ballot toujours prêt pour un départ impromptu. Pas un jour ne passe sans qu’un ou plusieurs d’entre eux ne fassent un saut en province. Il s’agit de montrer que l’on écoute le pays profond, que l’on prend son pouls et compatit à ses tracas. Nul n’est dupe, évidemment. Ces visites au pas de charge, de quelques heures en général, visent surtout à produire de l’image. Dans cet exercice, un ministre a surpassé tous ses pairs, pareil au sparadrap du capitaine Haddock : Gérald Darmanin. « Lapin mécanique », selon le sobriquet d’un de ses détracteur­s, sature l’espace, près d’une quarantain­e de déplacemen­ts déjà à son actif, sans compter une tweetose aiguë. Plus que d’autres, le ministre de l’Intérieur doit, il est vrai, asseoir son autorité sur une parole forte. On a assez reproché à Christophe Castaner son évanescenc­e pour faire grief à son successeur de remettre des mots sur les maux. Il faut, aussi, lui donner quitus d’avoir assorti ses pérégrinat­ions de quelques annonces tangibles. Mais le matamorism­e a ses limites. La preuve, depuis que Charles Pasqua et Nicolas Sarkozy ont prétendu terroriser les terroriste­s et mater la racaille, on revit en boucle les mêmes scénarios. Jouer les cow-boys expose l’hôte de Beauvau à encaisser, boomerang assuré, les faits divers qui s’enfilent comme des perles sur les écrans. Son volontaris­me ne les éteint pas d’un coup de baguette magique. La droite, Xavier Bertrand en tête, a ainsi beau rôle de prendre le ministre à son propre jeu, en cédant sans vergogne à une surenchère catastroph­iste qui oublie de balayer devant sa porte. Depuis cinquante ans, cette droite qui cogne sur Darmanin a dirigé le pays plus de la moitié du temps. En parallèle, la gauche a parfois péché par déni ou angélisme, quand le RN s’est bercé d’incantatio­ns. A chacun ses postures et ses errances. Face à un défi sécuritair­e rétif aux réponses prémâchées, personne ne peut décemment se prévaloir d’avoir trouvé ni administré la panacée. C’est bien pour cela que tout le monde continue à gesticuler autant.

« Plus que d’autres, le ministre de l’Intérieur doit asseoir son autorité sur une parole forte… Mais le matamorism­e a ses limites. »

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