Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Raymond, un bénévole dans le peloton de tête
Si les chats ont réellement sept vies, alors le Raymond Cloarec a l’âme féline. Fils de cycliste professionnel, « para » sous les ordres de celui qui allait devenir le fameux général Bigeard, puis mécanicien aéronautique, cadre en recherche et développement à Villeneuve-Loubet pour le compte de l’entreprise américaine Texas Instruments, avant de se lancer dans l’entreprenariat et de se muer en « Géo Trouvetou » du vélo. L’homme, sans jamais dérailler sur les chemins escarpés de son destin, a néanmoins dû escalader quelques cols pour façonner son histoire. Histoire dont le fil rouge, à jamais, restera le cyclisme. Tout débute le 16 janvier 1936. Son père, Pierre, qui milite chez les rémunérés (il remportera deux étapes sur le Tour de France 1939 et sera le lieutenant du légendaire Jean Robic), dispute la classique Paris-Nantes. Raymond, impatient de découvrir les joies de la petite reine,
Niçois
poussera ses premiers cris au sein même du vélodrome, où son géniteur franchira la ligne d’arrivée en troisième position… mais avec trente minutes de retard sur l’accouchement !
Destin tout tracé
Le destin du petit Raymond semble déjà tracé… Mais à 19 ans, tout bascule. Après avoir travaillé chez Stella (marque-sponsor de l’équipe où évoluait Louison Bobet), il s’engage dans l’armée, au 3e régiment de parachutistes d’infanterie de marine. Il y restera six ans et servira en Algérie. De retour en France, il s’installe à Nice et travaillera, pendant 25 ans, chez Texas Instruments. « Quand j’ai eu 50 ans, j’ai eu une belle offre pour partir, avec un joli pécule à la clé. Je me suis dit : pourquoi pas ? Ça m’a permis de renouer avec mes premières amours. Et de créer mon magasin de vente de vélos… » Un retour aux sources. D’autant que, devenu triathlète, et avec les relations qu’il a tissées dans le milieu, il est sûr de son business plan. Pas suffisant, cependant, pour donner corps à tous ses rêves. Parce que le bonhomme s’est aussi découvert des talents d’inventeur. Il développe une série de prototypes dont certains seront brevetés : « Des tonnes d’idées me trottaient dans la tête depuis longtemps. Il fallait que j’aille au bout. »
Être bénévole à Nice : « La cerise sur le gâteau »
Celui qui, entre-temps, est devenu l’ami de Bernard Hinault («En 1986, quand il arrête sa carrière, j’achète ses trois vélos les plus illustres, dont le profilé avec lequel il avait gagné tous les chronos, afin de les exposer dans ma boutique »), enfile la tunique de génial précurseur. « L’appui thoracique » qui a permis à Francesco Moser de battre le record de l’heure ? C’est lui ! La «tigede selle à gaz et hydraulique » quia rendu possible la victoire de Gilbert Duclos-Lassalle sur le ParisRoubaix de 1993 ? Encore lui ! Le début de l’oreillette dans le peloton, une fois de plus, c’est son idée ! Et la liste est loin d’être exhaustive, même l’Arabie Saoudite a racheté un de ses brevets… Sept vies ne suffisent donc pas à résumer celle de Raymond Cloarec, qui reste pourtant suffisamment jeune dans l’âme pour, cette année encore, à 84 ans, avoir proposé ses services au Tour de France. Comme en 2009 à Monaco et en 2013, à Nice, il a rejoint l’équipe des bénévoles. Avec, dans le planning d’affectation qu’il a reçu, une mission d’accueil et d’orientation sur différents sites. « En être encore une fois, c’est comme la cerise sur le gâteau de ma vie… » conclut-il.