« Se balader en forêt a un effet relaxant et curatif »

Pr André Quaderi, psychologue clinicien, professeur à l’université de Nice Sophia Antipolis

Qu’induit l’entrée dans l’automne pour notre moral ?

Nous avons le même cerveau depuis des centaines d’années. Le cerveau primitif, qui est en lien avec notre environnement, est resté actif depuis l’époque où nous étions chasseurs-cueilleurs, même s’il a des élaborations bien plus complexes. Or ces zones les plus primitives du cerveau sont sensibles aux changements de saison. Pour preuve : dans les pays qui ont un hiver très long, l’indice de la dépression est plus fort que dans les pays à fort ensoleillement.

Chez nous, comment se manifestent ces changements ?

Vous avez une variation au niveau de la température du corps, de l’appétit .... Nous nous tournons vers des aliments un peu plus gras et sucrés, qui nous permettent de nous réchauffer. Même si cela reste vraiment annexe dans notre région, tellement tempérée.

Aborder l’automne dans ce contexte d’inquiétude et de restrctions, c’est un exercice particulièrement délicat ?

C’est une très bonne question. Ce que nous vivons là, c’est une période rare dans notre histoire, où nous devons nous protéger d’un danger impalpable : le virus. Or nous n’avons pas de rituels comme la messe à l’époque de la peste. Là, ce sont les gestes barrières... Il faut parfois avouer notre ignorance. Nous sommes très perplexes de constater chez certains enfants des troubles obsessionnels, des peurs, et chez d’autres, de la résilience, une facilité à porter le masque. En revanche, on observe que les patients qui souffrent de pathologies anxieuses sont encore plus anxieux.

Le manque de contact physique risque de se faire ressentir ?

Ça, c’est une certitude. Quand nous nous embrassons, quand nous nous faisons des câlins – notamment la mère avec l’enfant –, on sécrète l’ocytocine, qu’on appelle « l’hormone du câlin ». Quand vous faites un câlin à quelqu’un que vous aimez, vous la sécrétez. Et là, oui, il y a un manque. Mais ne nous leurrons pas : dans le cadre privé, nous continuons à avoir des rapports affectifs ! Il y a de l’amour dans le geste barrière. On recommande de dire aux gens qu’on aime qu’on les aime : c’est un vecteur de bonheur très important.

Dans ce contexte, surtout dans notre région, prendre un bon bol d’air apparaît plus que jamais nécessaire ?

Toujours ! Les préconisations de l’OMS sont de toujours avoir une activité physique. Le consensus scientifique est très clair : pour lutter contre la dépression, rien ne vaut du sport. C’est beaucoup plus efficace que les psychothérapeutes [rires ]!

Et le contact avec la nature ?

On a remarqué, de façon très étonnante, que se balader dans la nature – notamment dans les forêts, en regardant du vert – a un effet relaxant, apaisant et curatif. Les balades en forêt sont très intéressantes pour lutter contre la dépression. On a fait des études : une marche en forêt est plus opératoire qu’une marche en ville.

C’est l’anti-confinement...

C’est l’anti-confinement, oui. Le confinement a des effets extrêmement délétères.

La cueillette des champignons est un bon prétexte à l’évasion ?

C’est génial. Vous êtes penché, vous respirez, vous êtes dans un rapport à la nature, vous respirez les bonnes herbes : c’est parfait !

Les fêtes automnales, en grande partie annulées, incarnent un rendez-vous social important ?

Oui. C’est quelque chose que, peut-être, nos chers amis de Paris ne comprennent pas : ces rites de saison sont très importants pour la communauté, le partage, le vivre-ensemble. Dans la postmodernité, ces rituels sont un peu négligés. C’est très dommage...

Vos conseils pour savourer les plaisirs d’automne malgré tout ?

Profiter de cette magnifique région qui a à la fois des forêts, des lacs, des rivières et des montagnes. Nous sommes des êtres privilégiés dans un pays magnifique ! Profitons de la vie, des gens que nous aimons, de tous ces instants.