Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Haut pays : les châtaignes ne seront pas à la fête
Bien qu’il n’y ait pas de véritable filière économique dans les Alpes-Maritimes, la période de récolte est l’occasion de grands rendez-vous touristiques. Cette année, il faudra faire sans
Que pèse encore la châtaigne dans les Alpes-Maritimes ? «La filière liée à ce fruit symbole d’automne et de montagne n’est pas mise à mal par les annulations en cascade, parce qu’elle n’existe pas vraiment», souligne Jean-Paul Blanc, président de l‘AFA (Association foncière agricole du pays de la châtaigneraie de la Tinée), qui compte 150 adhérents : « C’était quelque chose d’important à l’époque où les villages vivaient un peu en autarcie, ça permettait de nourrir les gens et les bêtes en hiver. Mais aujourd’hui, il n’y a pas de castanéiculteurs professionnels. Au mieux, c’est un complément de salaire. » D’ailleurs, on ne parle pas d’exploitants, mais de propriétaires de châtaigneraies. Et ceux qui entretiennent, font vivre et transforment ce produit se qualifient de « passionnés » défendant « un patrimoine ». De même, il est transformable à souhait : glaces, biscuits, crème, pâte au chocolat… Tout n’est donc pas perdu pour la récolte de cette année.
« D’habitude, c’est le plus gros événement »
Les plus gros dégâts sont ailleurs. Pour l’arrière-pays niçois, la châtaigne est une locomotive, un produit d’appel : la période de récolte est l’occasion d’organiser un
La fête de la châtaigne d’Isola, la plus ancienne du département, est traditionnellement le plus gros événement annuel du village.
grand week-end de festivités, un véritable temps fort touristique d’arrière-saison axé terroir et traditions. Cette année, ce sera sans. Instigatrice du mouvement et capitale de la châtaigne, Isola, 700 habitants, devait fêter sa 53e édition. L’an dernier, l’AFA y a par exemple vendu 4 tonnes de châtaignes. Elle s’est finalement décidée jeudi soir : il y aura bien quelque chose, le 8 novembre. Mais pas vraiment une fête au village : « D’habitude, c’est le plus gros événement du village : ça attire entre 2 000 et 3 000 personnes ,retrace la maire, Mylène Agnelli. Là, on sera sur une version extrêmement réduite. Ce sera un marché agricole, avec les membres de l’AFA et les producteurs locaux de fromage, de miel… Il n’y aura pas de bal, pas de repas, pas de festivité. Ça nous paraissait difficile de tenir (Photo archives P. B.) les contraintes sanitaires et de se limiter à mille personnes. Dans un stade, c’est possible, mais dans un village, il aurait fallu mettre des barrières partout. » Un événement a minima, pour faire respirer les producteurs en tout genre du secteur. Et encore, la jauge sera limitée à une vingtaine d’exposants, la mairie craignant l’appel d’air de producteurs en mal de dates : « Le but n’est pas d’attirer tout le monde ici ».
« C’était impossible »
Valdeblore a tout simplement annulé, comme la grande majorité des communes. C’était mission impossible, pour le Club plaisir et loisirs, traditionnel organisateur. « La fête reçoit d’habitude plus de 3 000 personnes, on n’aurait de toute façon pas eu l’autorisation de la préfecture, se désole Éliane Garino, présidente de l’association. Il y a un repas de 350 personnes sous chapiteau, un grand stand de dégustation… C’était impossible à réaliser. Et de toute façon, sans la convivialité, ça ne sert à rien. » Une déception de plus dans une saison noire qui se prolonge. Mais bénévoles et élus mettent en avant leur devoir de responsabilité. « Ce genre d’événement permet de faire découvrir le village, tous les commerçants travaillent, détaille Carole Cervel, maire de Valdeblore. Mais les retombées économiques ne portent pas que sur une journée. Les gens qui sont venus par curiosité sont amenés à revenir, il y a un effet de rebond. Désormais, on vit au jour le jour, ça devient compliqué d’organiser quoi que ce soit. Mais tout le monde est compréhensif ».