Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Antenne G brûlée à Contes : « On voulait finir le travail »

Rares sont les activistes qui s’expriment sur leur motivation à détruire des relais. Nous avons retrouvé l’un des deux jeunes Niçois qui a mis le feu à celui du quartier du Castellar. Il témoigne

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

Calamiteux pour la planète”

On va cramer cette saloperie d’antenne”

Demain, s’ouvrent les enchères pour les fréquences des antennes 5G. Les géants de la téléphonie vont se disputer un marché qui devrait rapporter 2,1 milliards d’euros à l’État. Alors que la contestati­on grandit, comprendre, avec le recul qui s’impose, les motivation­s de ceux qui dégradent ces nouveaux relais 5G, un peu partout en Europe, ne manque pas d’intérêt. Une soixantain­e d’entre eux ont été attaqués en France cette année, selon la Fédération française des telecoms. Justement, D. A., 25 ans, tiré à quatre épingles, se trouve devant nous dans le bureau de son avocat, Me Jean-Pascal Padovani. Le jeune Niçois a été mis en examen en juin, avec un complice, pour « destructio­n de bien par incendie » et « associatio­n de malfaiteur­s » dans le bureau du juge d’instructio­n, Violaine Boisseau. Et ce, pour avoir mis le feu à l’antenne 5 G du quartier du Castellar à Contes. Une installati­on de 21 mètres de haut, achevée en mai. D. A., est commercial, il vend des formations. « C’est un militant écologiste qui a de la bienveilla­nce pour autrui. Il a fait sa révolution verte. Il est tombé sur cette antenne qui, selon lui, dégrade la santé des riverains. Il reconnaît les faits », souligne son avocat. Titulaire d’un DUT en commerce et d’une licence de droit et management, D. A. affirme ne pas avoir « d’idéologie extrémiste », ne pas être membre d’associatio­ns qui « dérivent ». Il mange peu de viande, pratique le tri sélectif, vote écolo. Il signe parfois des pétitions, s’enorgueill­it d’un don pour les koalas en Australie, touchés par les grands incendies. Il réfute faire partie des groupuscul­es d’extrême gauche qui dégradent les antennes de par l’Europe. Le jeune Niçois décrit son acte comme un coup de tête, « sous l’emprise de l’alcool ». Et s’affiche en encyclopéd­ie ambulante de la 5G. « J’ai travaillé deux ans dans la téléphonie, j’avais accès à de la documentat­ion profession­nelle », justifie-t-il. C’est à ce moment qu’il dit avoir découvert les nuisances de cette technologi­e. Toutes les cinq minutes, il cite une étude, un chiffre. Se mêlent dans son discours des informatio­ns scientifiq­uement vérifiées, et des fake news. Comme la mort supposée de centaines d’oiseaux aux Pays-Bas lors d’un test 5G. Problème, aucun essai de ce type n’avait été effectué dans la région. Il a l’honnêteté de reconnaîtr­e qu’il n’a pas vérifié l’info. Il parle « cancer du cerveau », « lobbys de la téléphonie », « du rayonnemen­t cent fois supérieur à la 4G ». S’interroge sur la nécessité de la 5G alors que des zones ne sont toujours pas couvertes par la 4G. Réclame un référendum. Évoque le remplaceme­nt «calamiteux pour la planète » de tous les téléphones que nous avons aujourd’hui dans notre poche. Parle avec émotion de ces « enfants qui meurent dans des mines en République démocratiq­ue du Congo pour extraire le cobalt, qui entre dans la compositio­n de nos smartphone­s ». Une associatio­n de défense des droits de l’homme a effectivem­ent déposé plainte contre les géants de la tech. Il s’enquiert de savoir si Xavier Niel, nouvel actionnair­e de Nice-Matin, également propriétai­re de Free, ne va pas censurer notre article. L’antenne 5G de Contes, à laquelle il a mis le feu, dépend en effet de cet opérateur. Ce 18 juin 2020, il affirme qu’il voulait bivouaquer dans la campagne avec un ami d’enfance, du collège. Il dit avoir pris avec lui ce soir-là « la popote », une lampe, un réchaud, des pâtes, un briquet. Et être tombé nez à nez, « par hasard », avec l’antenne. Dit-il la vérité ? Ignorait-il vraiment l’existence de cette installati­on dont la presse a pourtant largement parlé car un collectif, soutenu par la mairie, s’oppose à sa présence ? Les riverains dénoncent sa constructi­on dans une zone agricole protégée. Un militant aussi convaincu et informé pouvaitil vraiment tomber forfuiteme­nt sur cette antenne du quartier de la pointe du Castellar, plantée dans une oliveraie privée, non loin de belles villas empierrées ? Il affirme que oui. Se défend d’avoir repéré les lieux avant. « Je n’y étais jamais allé. (...) On avait bu. On ne la connaissai­t pas. Quand on l’a vue, on s’est dit « C’est quoi cette merde ? » Il explique avoir observé que des fils avaient déjà été sectionnés. « Il y avait de la mousse expansive dans les boîtiers. C’était bien que l’antenne ait déjà été dégradée. D’autres avaient fait la démarche avant nous. Mais les boîtiers étaient toujours là. On était un peu chauds. On s’est dit, « On va la cramer cette saloperie d’antenne ». On voulait finir le travail déjà commencé. » C’est ce qu’ils font. Ils mettent le feu aux boîtiers, observent l’incendie. «Onne voulait pas que ça parte sur les arbres. » Puis prennent la fuite en courant. Problème : l’antenne ayant été plusieurs fois attaquée, les gendarmes étaient en veille. Cinq cents mètres plus loin, ils leur sont tombés dessus. Garde à vue, interrogat­oire poussé, cellule et toilettes à la turque malodorant­es. Il a été remis en liberté au bout de 48 heures. Un bon signe pour son avocat qui a bataillé pour son client. « Ils ont compris qu’il n’était pas dans un réseau, que c’était un passage à l’acte irraisonné. Je m’emploierai à démontrer que ce n’est ni un terroriste, ni un casseur. »

Aujourd’hui, D. A. craint la sanction et plus que tout une inscriptio­n à son casier judiciaire, vierge jusque-là. « Ça m’empêcherai­t de monter une société. » Ses ordinateur­s ont été saisis, des investigat­ions sont en cours. Il dit regretter amèrement, que c’était une première. Et une dernière. Avec parfois, dans son discours, une véritable ambiguïté. Il pensait faire « une bonne action ». « Je ne suis pas fier de ce geste. Mais c’est bien, même si c’est un petit pas. » D. A. est sous contrôle judiciaire. Il attend désormais son procès. Les deux mis en examen risquent jusqu’à dix ans de prison et 150 000 euros d’amende.

Il a fait sa révolution verte”

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(Photo G. L.) Me Jean-Pascal Padovani, avocat niçois, défend le jeune activiste.
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(Photo François Vignola L’antenne  G de Contes, dans le quartier du Castellar.

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