Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Little Fires Everywhere secrets brûlants en série
Deux mères de famille que tout oppose ou presque. Deux actrices au sommet. Une réflexion acide sur le politiquement correct et le racisme latent. Une série à ne pas louper.
Une banlieue américaine à l’aspect ultra lisse. Les maisons sont cossues. Les pelouses parfaitement tondues (sous peine d’amende). Tout est propre. Tout est beau. La vie est idyllique. En apparence. Little Fires Everywhere est une sorte de Desperate Housewives version 2020. Dans des foyers où rien ne dépasse se cachent de lourds secrets. Le quotidien de Shaker Heights (dans l’Ohio) va se trouver bouleverser par l’arrivée en ville de Mia Warren (Kerry Washington) et sa fille Pearl. Insidieusement mais implacablement, leur présence va faire basculer la vie des habitants. En particulier celle de la famille Richardson. Elena (Reese Witherspoon), la mère, mène sa petite famille à la baguette. Blonde, tirée à quatre épingles, c’est un pilier de la communauté. Le genre de femme à être déléguée des parents d’élèves et bénévole dans des associations. Tous les matins, elle se lève avant son mari, avocat (excellent Joshua Jackson) et ses quatre enfants pour préparer les pancakes et leur déjeuner. Bref, on n’est pas loin de la mère parfaite. C’est en tout cas ce dont elle veut se convaincre et convaincre les autres. Mais rapidement le vernis s’écaille. On s’en rend compte dès le premier épisode. Les relations avec sa benjamine Izzy sont, par exemple, extrêmement tendues
Duel de mères
Elena est très au fait de ce que sa condition de Wasp(1) privilégiée doit induire comme comportement. Aider les plus faibles est au top de sa « to do list ». C’est ainsi qu’elle se retrouve à louer un appartement hérité de ses parents à Mia et sa fille. Les deux femmes ne peuvent être plus différentes. Alors qu’Elena a toujours vécu à Shaker Heights, Mia, elle, a l’âme baroudeuse. Elle ne compte même plus le nombre de villes où elle a vécu. Quand la première habite une maison de 200 m2, il arrive à la deuxième de dormir dans sa voiture. Si Elena est une femme blanche bien sous tous rapports avec un métier sérieux (elle est journaliste), Mia, elle, est noire, fume de la marijuana à l’occasion et tente de vivre de son art. C’est aussi une mère célibataire sans aucune famille. Elle est peu sociable, toujours sur le qui-vive. Son passé est trouble. Elle semble fuir quelqu’un.
Les deux femmes ne s’entendent clairement pas. Si parfois, une certaine complicité semble les unir, elle s’évanouit très rapidement. Trop différentes. Trop rivales. Ce ne serait pas un problème si leurs enfants n’étaient pas aussi liés. Pearl (seize ans) passe quasiment tout son temps libre chez les Richardson sympathisant notamment avec Moody, le numéro 3 de la fratrie. Elle est fascinée et émerveillée par cette vie de famille si classique. À l’opposé de ce qu’elle peut connaître chez elle. À l’inverse, Izzy, considérée comme le mouton noir des Richardson, aime passer du temps avec Mia dont elle admire le travail artistique et la liberté d’esprit.
Racisme latent
Plus qu’une série sur la maternité, Little Fires Everywhere traite du politiquement correct (la spécialité d’Elena) et des failles qui s’invitent chez tout un chacun. Les personnages sont loin d’être linéaires. Attachants par leur complexité autant que par leur ambiguïté. Le travail des scénaristes sur celui d’Elena est particulièrement bluffant. Mia a moins de nuances. À l’image du jeu de son interprète, Kerry Washington, qui abuse parfois de grimaces particulièrement disgracieuses. Mais là où la série excelle, c’est vraiment dans sa façon de montrer le racisme latent qui gangrène la société américaine. Toutes les bonnes intentions d’Elena sont gâchées par ses réflexions rabaissantes vis-à-vis de la couleur de peau de Mia. C’est d’autant plus choquant qu’elles sont, à chaque fois, faites de manière totalement innocente. Au fil des épisodes (il y en a huit), les tensions montent. Le petit monde propret se fissure, jusqu’à carrément partir en fumée. Et le téléspectateur se prend totalement au jeu. 1. White Anglo-Saxon protestant
par Liz Tigelaar. Huit épisodes de soixante minutes. Disponible sur Amazon Prime.