Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Médecine : les parents azuréens en guerre contre la réforme

Ils ont créé un collectif sur Facebook, lancé une pétition en ligne et expédié des lettres ouvertes pour dénoncer les « injustices » liées à la réforme de la première année des études de santé

- VÉRONIQUE MARS vmars@nicematin.fr

Ils disent être dans « le brouillard le plus complet », parlent de « détresse » de « sentiment de sacrifier les études et l’avenir de [leur] enfant ». En cause : la réforme des études de santé, que ces parents d’étudiants en 1re année jugent « incompréhe­nsible » et « profondéme­nt injuste ». Entrés en résistance, ils ont créé sur Facebook le « collectif PASS/LAS Nice 20202021 », ont lancé une pétition en ligne, envoyé quantité de lettres de protestati­on au doyen de la fac de médecine de Nice. Avec copies

(1) expédiées sur le bureau de la ministre de l’Enseigneme­nt supérieur et de la recherche, Frédérique Vidal. Ils ont monté aussi des opérations de distributi­on de tracts, dont celle menée mercredi en fin d’après-midi, devant le campus Valrose, siège de l’Université Côte d’Azur (UCA), pour organiser ce front de la colère. De son côté, l’UCA, par la voix de son vice-président Stéphane Azoulay, assure dans un mail adressé hier matin aux étudiants de 1re année – dont nous nous sommes procuré une copie – que chacun d’entre eux aura « la même probabilit­é de réussite » (lire ci-dessous).

« Iniquités en série »

Face à cette réforme des études de santé, la fronde parentale monte en puissance. « Notre collectif a rassemblé 250 adhérents en trois jours, et notre pétition en ligne, 500 signatures en 36 heures, pointe Yann, l’un des parents à l’origine de ce collectif (2). Et cela ne fait que commencer. Notre objectif : mettre une grosse pression pour dénoncer les iniquités en série. » Pour les comprendre, il faut revenir aux sources, c’est-à-dire à la réforme des études de santé, applicable à cette rentrée, en remplaceme­nt de l’ancien système, la Paces (« Première année commune aux études de santé »). Désormais, pour faire médecine, il y a deux filières : la Pass (« Parcours accès santé spécifique ») ressemblan­t fort à l’ancienne Paces, et LAS pour (« Licence accès santé ») destinée aux néoétudian­ts hésitant à s’engager dans les études de médecine. La Pass s’articule autour d’une « majeure » (discipline dominante), en l’occurrence médecine, et d’une « mineure » (option) à choisir entre lettres, psycho, histoire, économie/gestion, Staps (fac des sports), sciences de la vie, sciences des technologi­es, philo ou droit. Tout cela a été fait sur Parcoursup, plateforme d’orientatio­n post-bac, en plein confinemen­t.

« Le nombre d’heures diffère selon l’option »

À l’arrivée, beaucoup de jeunes inscrits en Pass ont choisi leur mineure par défaut, en fonction des places disponible­s. « C’est comme cela que des gamins ne rêvant que de faire médecine se sont retrouvés en option philo alors qu’à la base ce sont des scientifiq­ues, pointe Alexandra, membre du collectif des parents. En plus, le nombre d’heures de cours diffère selon l’option choisie. Il n’y a aucune harmonisat­ion ni équité entre les options. Au niveau des horaires, on passe du simple au quadruple ! » Des exemples, Alexandra en a à la pelle. « En Staps, il y a 9 heures de cours par semaine contre 2 heures par semaine en philo, 3 heures en lettres et en histoire, 4 à 6 heures en psycho, énumère-t-elle. Le pire, c’est en droit : 12 heures de cours hebdomadai­re, soit 120 heures par semestre. Ce n’est plus une option, c’est une double licence ! » Elle poursuit : « Si on y ajoute les 194 heures de cours en médecine, on arrive à un total de 314 heures au premier semestre. Sans compter le travail personnel. C’est du délire ! » s’exclame cette maman, très à l’aise pour dénoncer cette injustice. « Ma fille Michèle a eu la chance d’être prise en option “sciences de la vie”. Là, c’est 4 heures de cours hebdomadai­res, soit trois fois moins qu’en droit. Et sur les 4 heures, 2 sont en présentiel, les autres cours étant en ligne sur la plateforme Moodle. »

« Nos enfants sont angoissés »

Par rapport aux étudiants en Pass option droit, ceux inscrits dans des « mineures » plus allégées partent avec un avantage en temps pour bosser leurs cours de médecine. Mais voilà, à écouter les parents, le moral de leur enfant est au plus bas. « Ils ont créé un groupe de parole pour se soutenir. Beaucoup baissent les bras, à cause du poids de l’option, parlent de partir à l’étranger, en Roumanie, Belgique ou au Portugal pour tenter leur chance en médecine », raconte un autre parent. La fille d’Alexandra s’accroche, « bosse comme une folle » mais « s’angoisse terribleme­nt ». « La réforme a remplacé le concours de 1re année par un examen afin d’alléger le stress des étudiants, en théorie, grince cette maman. Sauf qu’on ne sait rien des modalités d’examen, ni du nombre de places offertes. Cerise sur le gâteau, le redoubleme­nt en Pass est interdit ! Alors oui, nos enfants sont angoissés. Ils ont une seule chance pour accomplir leur rêve... » 1. Contact sur Facebook : « Collectif PASS/LAS Nice 2020-2021 » ; adresse de la pétition en ligne : https://www.change.org/collectif_PASSLAS_nice 2. À leur demande, les prénoms ont été changés.

 ?? (Photo Eric Ottino) ?? Mercredi en fin d’après-midi, les parents du collectif « PASS/LAS Nice - » ont tracté devant le campus de Valrose, siège de l’Université Côte d’Azur, pour appeler les étudiants à signer la pétition contre la réforme des études de santé.
(Photo Eric Ottino) Mercredi en fin d’après-midi, les parents du collectif « PASS/LAS Nice - » ont tracté devant le campus de Valrose, siège de l’Université Côte d’Azur, pour appeler les étudiants à signer la pétition contre la réforme des études de santé.

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