Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Menton : privés trois mois d’Internet, ils séquestrent le technicien
Dans le box du tribunal correctionnel de Nice, Didier J. et Marianne J., 59 et 55 ans, offrent l’apparence d’un couple normal. Lui travaille pour une agence immobilière de Monaco. Son épouse est sans emploi. Un couple lambda, sans casier, qui réside à Menton. Mais qui va totalement perdre les pédales. La raison ? Trois mois sans Internet. Ça agace, c’est vrai. Cela peut même énerver. « Qui n’a pas vécu ce genre de problème avec un opérateur ? », interroge d’ailleurs Sandra Verbrugghen, procureur de la République. « Mais personne ici n’a jamais agi comme vous ! » Le 10 janvier, le couple de Mentonnais attend une équipe de dépannage. Et quand on écrit « équipe », c’est qu’ils attendent plusieurs personnes. Pas une seule. « Nous sommes restés trois mois sans Internet, sans télévision, sans rien, à téléphoner deux ou trois-quatre fois par jour, renvoyés sur des standards au Maghreb, entre rendezvous pris et pas honorés », explique piteusement le mari.
Couteau sous la gorge
La dernière fois, quand le technicien est passé, il leur a dit qu’il fallait qu’ils reviennent à plusieurs. L’intervention s’avère plus lourde que prévu. Mais c’est pourtant ce technicien, seul, que l’opérateur renvoie ce 10 janvier. Quand il découvre la situation, le couple dégoupille. Ils ferment la porte à clé, insultent copieusement l’employé. « Vous ne sortirez pas d’ici tant que je n’ai pas votre responsable au téléphone. » Le pire est à venir. Excité, le mari se saisit d’un couteau de cuisine, place la lame de vingt centimètres sous la gorge du malheureux. Celui-ci, terrorisé, tente de calmer le jeu. Mais le couple vocifère. Le technicien finit par réussir à s’emparer de son téléphone et, sans que le couple ne l’en empêche, appelle la police. Cela aurait pu en rester là. Mais quand les fonctionnaires débarquent, interloqués par la tournure des événements, le couple les insulte : « Il faut être c... pour rentrer dans la police, fils de p... » La femme, déchaînée, se jette depuis son lit pour faire croire à des violences policières, incite son mari à en faire de même en se jetant dans l’escalier : « Comme ça, on pourra déposer plainte. »
« C’est grave »
Alain Chemama, président du tribunal, ex-doyen des juges d’instruction, qui a roulé sa bosse et vu de tout, est effaré. « C’est grave, assène-t-il. Comment pouvez vous en arriver là ? » A la barre, l’épouse revient sur cette absence d’Internet, sans cesse, pour toute justification. Elle ne semble pas mesurer la disproportion de la réaction. « J’ai le sida », a-t-elle lancé aux policiers ce jour-là, en leur crachant dessus. C’était faux. Elle leur donnera des coups de pied dans le dos. Des renforts ont dû être demandés.
Le technicien, absent à l’audience, reste traumatisé. « C’est un choc psychologique, indique l’avocat de la partie civile. Il souffre de troubles de la concentration, de stress aigu, il fait des cauchemars, redoute chaque nouvelle intervention. » Me Valérie Février, avocate des policiers, assène : « La télé rend fou, Internet rend encore plus fou. » Le mari présente ses excuses à plusieurs reprises, dit sa « honte », affirme « n’avoir jamais voulu le blesser ». Ils ont été condamnés à 15 mois avec sursis pour lui, 12 mois avec sursis pour elle. Et à de fortes réparations financières pour les uns et les autres.