Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

FURIE MEURTRIÈRE

Deux habitants de Roquebilli­ère emportés avec leur maison. Deux sapeurspom­piers de la Bollène et un gendarme de Saint-Martin portés disparus

- GRÉGORY LECLERC AVEC J.-FRANÇOIS ROUBAUD

Vésubie : un couple emporté avec sa maison, deux pompiers et un gendarme disparus

Des centres d’accueil pour les naufragés du haut pays

Le Var au plus haut

Ils avaient 80 et 90 ans et la tempête Alex les a emportés. Sans que personne ne puisse intervenir sauf au péril de sa vie. Comme tentèrent de le faire toute la journée les secours de la vallée de la Vésubie. Ils pourraient d’ailleurs avoir payé un lourd tribut pour leur dévouement : hier soir, deux jeunes sapeurs-pompiers de la commune de la Bollène étaient en effet portés disparus. Ainsi qu’un militaire de la gendarmeri­e de Saint-Martin-Vésubie. La crainte qu’ils aient été emportés par la rivière meurtrière lors d’une des dizaines d’opération de secours aux personnes qu’ils avaient enchaînées était majeure. Les recherches se sont poursuivie­s tard dans la nuit.

Rivière en furie

Dans la vallée de la Vésubie, comme sur tout le haut pays, c’est une incroyable mousson qui s’abat depuis la fin de matinée. « C’est terrifiant, la rivière grondait encore plus fort que l’orage », raconte Aure Plessis. Les déferlante­s d’une eau boueuse et tumultueus­e ont fait sortir la rivière tranquille de son lit, s’étalant dans toute la vallée, ravageant tout sur son passage. C’est alors que la nuit est sur le point de tomber sur que le drame survient. Quelques minutes plus tôt, déjà un retraité de 74 ans est accidentel­lement tombé dans la rivière. Au prix d’efforts surhumains, le malheureux parvient finalement à s’extirper de cette prison d’eau et se rétablir sur la berge. Sous le choc – en « urgence relative », selon les sapeurspom­piers –, mais sain et sauf. Mais là, la Vésubie se transforme en bourreau à Roquebilli­ère. Sur place avec les secours, notre envoyé spécial, Grégory Leclerc assiste à la scène. Les rapides, que la crue sans exemple forme, rognent tout sur leur passage : «Enfacede l’usine EDF, il y a une toute petite maison. Un étage seulement. Elle est encerclée par le tumulte infernal. Un couple s’est mis à la fenêtre. Ce sont deux personnes âgées manifestem­ent. Pour attirer l’attention, l’une d’elles agite une petite lampe blanche, petite loupiote qu’on distingue à peine au travers des vitres. Dantesque, la Vésubie ne laisse personne s’approcher.

C’était terrible. Sous la pression des flots, la maisonnett­e ne résiste pas très longtemps... Elle s’effondre... S’enfonce. On tente de suivre la lumière de la lampe mais elle disparaît engloutie par la rivière folle », témoigne, encore bouleversé, notre reporter.

L’angoisse

Il est autour de 18 heures. Les dégâts sont déjà considérab­les dans toute la vallée, mais, pour les Vésubiens, l’angoisse continue. Les tornades qui, le matin, avaient commencé à s’abattre sur les alpages continuent de semer le chaos. En début d’après-midi, ce sont les communes de SaintMarti­n-Vésubie et Venanson qui, les premières, payent un lourd tribut à cet épisode météorolog­ique hors norme. A Saint-Martin, une première disparitio­n est signalée, des témoins assurant qu’une voiture avec une jeune femme à bord aurait été happée par la crue près du square des Anciens-Combattant­s-d’Afrique-du-Nord en contrebas du Parc Vesúbia. Les recherches très vite activées par la gendarmeri­e avaient dû presque aussi rapidement être interrompu­es compte tenu des lourds rideaux de pluie qui faisaient grossir la rivière.

Un pont avalé...

Quelques minutes plus tôt, à un kilomètre du village en direction du Boréon, c’est le pont Maïssa et ses tonnes de pierres et de béton qui sont éventrées puis gobées comme un vulgaire insecte par la rivière, elle aussi en fureur. La scène saisie par un vidéaste amateur fait le tour des plateaux télé. A quelques secondes près, une voiture allait le traverser... Dans la vallée, tout le monde en parle sans l’avoir vu. Coupée du monde, hors réseau, sans téléphone qu’il soit fixe ou portable – c’était encore le cas hier tard dans la nuit –, la Vésubie n’est plus qu’une zone de guerre. A Saint-Martin, la mairie a été transformé­e en centre d’accueil pour une vingtaine d’habitants dont maisons et chalets sont dangereuse­ment menacés par la montée des eaux : «On n’a jamais vu un pareil déluge ici », raconte le tout nouveau maire, Ivan Mottet. « La puissance des torrents qui surgissent un peu partout, parfois même en cascade est telle qu’en rejoignant la cellule de crise au village, les flots en furie ont repoussé ma voiture. » Yvan Mottet doit très vite alerter les autorités départemen­tales, et le préfet dès le début d’après-midi demande à tous les maires de la Vésubie, comme à ceux de la Tinée et de la Roya, d’activer le plan de sauvegarde communal. Rumeur ou réalité, les élus chercheron­t aussi à savoir tout l’après-midi si le lac du Boréon obstrué par des embâcles à la suite du déluge n’est pas un risque majeur pour toute la vallée. Confirmant que le seuil du barrage est très haut, les agents d’EDF dépêchés sur place en urgence à la demande du préfet finiront par les rassurer, même si la rumeur continuait de se propager dans la vallée hier soir.

Catastroph­e écologique...

Alors que les communicat­ions téléphoniq­ues demeurent impossible­s, le maire et son adjoint, le colonel Jardinet, ancien commandant des sapeurs-pompiers, bataillent, eux, sur tous les fronts. Audelà

de Saint-Martin, c’est toute la Vésubie qui est en alerte maximum. À Venanson, ainsi, c’est l’opération de rapatrieme­nt d’une bergère bloquée dans sa vacherie qui mobilise toutes les énergies. Si la crainte est vite écartée que des gens puissent être bloqués sous ce déluge au refuge de la Madone, une autre catastroph­e survient cependant. Pas humaine cette fois-ci, mais écologique. À l’entrée de la commune, le garage des Deux Alpes est en milieu de journée emporté par la Vésubie déchaînée : « Mon épouse vient de passer devant la station de Marc Baudin, témoigne le maire, il ne reste plus que la maison ; tout le reste semble avoir été balayé. » Notamment les pompes, et hier soir encore une très forte odeur d’essence exhalait de la rivière meurtrière.

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Dans la Vésubie, un torrent d’eau boueuse a tout emporté sur son passage
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(Photo Lionel Lecourtier) Rien n’a résisté au passage du Boréon en crue. Le pont Maïssa en a fait les frais.

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