Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

« La Covid a montré la fragilité de nos sociétés »

L’historien Philippe Martin, auteur du livre « Les Religions face aux épidémies », sera présent aux Colloques de Menton cet après-midi à partir de 14 h 30, au palais de l’Europe

- PROPOS RECUEILLIS PAR MATHILDE TRANOY

Dans le cadre des Colloques de Menton, l’historien Philippe Martin, spécialist­e d’histoire religieuse, participe à la table ronde « Historique des épidémies et leurs effets sur les sociétés humaines ». Professeur à l’université de Lyon 2 mais aussi directeur de l’Institut supérieur d’étude des religions et de la laïcité, il vient de publier, aux éditions du Cerf, Les Religions face aux épidémies, de la peste à la Covid-19.

Quels parallèles avez-vous établis entre les grandes épidémies et la Covid- ?

À travers ces trois grandes pandémies que sont la peste, le choléra et la Covid- j’ai remarqué une foule de similitude­s. Notre période n’a fait que reprendre des gestes séculaires. Lors des autres épidémies, on avait déjà des problèmes d’engorgemen­t des hôpitaux, des masques, des d’interdicti­ons de déplacemen­t.

On trouve à chaque fois la théorie du complot, la recherche de boucs émissaires…

Qu’a révélé la Covid de notre société ?

À la différence des autres épidémies, la Covid a montré les fragilités de nos sociétés. Lors de la peste, religions, citoyens, sujets, États, villes marchaient d’un front commun. Lors du choléra, on a commencé à avoir des discussion­s. Pour la Covid, nous avons deux types de pays : ceux dans lesquels l’État et les religions ont fonctionné ensemble, c’est le cas de la France. D’autres dans lesquels la crise de la Covid a révélé les tensions. À Haïti, l’État a dû faire face à des résistance­s acharnées des religions. Il a décidé de confiner, mais les religions ont dit : « On va d’abord faire nos fêtes. » En Israël, des minorités, les hassidim, ont refusé les mesures de confinemen­t : «Ce n’est pas la peine, puisqu’on est protégé par Dieu. » Certaines ont fait plier les États. Au Sénégal, le président a interdit les prières à la mosquée : il a été obligé de faire marche arrière.

Autrefois, on pensait que l’épidémie était une punition divine. Et aujourd’hui ?

On a pensé que la peste était la punition de Dieu. Pour le choléra, au XIXe siècle, on a commencé à comprendre qu’il y avait des mécanismes de propagatio­n. Pour la Covid, vous avez une unanimité qui dit : « Laissons les médecins s’en occuper. » Mais à l’intérieur de chaque religion sont apparues des voix minoritair­es très critiques. Chez les catholique­s par exemple, certains prélats ont dit : « C’est une punition de Dieu car le pape est trop ouvert et vous avez introduit un nouveau rite de la messe » (elle n’est plus faite en latin).

Qu’avez-vous découvert lors de cette enquête ?

J’ai interrogé les croyants, toutes confession­s confondues. Il y a un désir de changer les choses, pour que la crise soit utile et que les morts ne soient pas morts pour rien. Ils s’interrogen­t : quelles leçons tirer de cette période ?

Avez-vous la réponse ?

Non! [rires] Je suis juste un historien qui regarde les choses. Mais j’ai entendu ce désir d’arrêter de se croire tout-puissant et de penser à la planète, l’écologie, tout ce qu’on dit vouloir changer ils disent vouloir vraiment le changer maintenant… Je ne sais pas si ça sera fait.

Qu’est-ce qui vous a interpellé ?

Parce qu’elles ont été interdites, on s’est brutalemen­t rendu compte que les funéraille­s étaient très importante­s, alors que notre société refuse de voir la mort. « Historique des épidémies et leurs effets sur les sociétés humaines », table ronde à 14 h 30, au palais de l’Europe à Menton. Entrée libre sur réservatio­n par courriel : colloques2­020@ville-menton.fr ou au 04.92.41.76.95.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France