Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Surdouance : un trouble à diagnostiq­uer au plus tôt

Un point sur les difficulté­s et les troubles associés éventuels s’impose pour accompagne­r au mieux les enfants à haut potentiel intellectu­el. Le test du QI ne suffit pas

- PROPOS RECUEILLIS PAR C. MARTINAT cmartinat@nicematin.fr

Quelques facilités scolaires et le voilà surdoué ! Les bons résultats, et même un QI élevé, ne suffisent pas à qualifier la surdouance. Un trouble dont on oublie trop souvent qu’il peut être à l’origine de souffrance­s sociales et scolaires multiples. Qu’est-ce qu’un enfant surdoué, ou à haut potentiel intellectu­el ? Quelles sont les limites du calcul du QI ? À quelles difficulté­s est confronté l’enfant surdoué ? Comment l’aider ? Le tour de la question avec le Dr Philippe Garcia, pédopsychi­atre, praticien hospitalie­r à l’hôpital de Pierrefeu et vice-président de l’École des parents et des éducateurs du Var.

Surdouance, précocité, haut potentiel intellectu­el (HPI) : quelles définition­s quelles différence­s ?

Ce sont trois termes qui désignent la même chose : un chiffre obtenu par un bilan psychométr­ique pour calculer le quotient intellectu­el. La moyenne est autour de . Elle avait tendance à augmenter dans toutes les strates de la population, mais cette progressio­n ralentit depuis quelques années. On parle de surdouance ou de HPI quand le chiffre final est supérieur à . Cela représente environ  % de la population générale, adultes et enfants confondus, et c’est un taux à peu près stable dans le temps.

Comment calcule-t-on le QI ?

On utilise différente­s échelles, avec des questions qui portent tantôt sur le maniement des chiffres, tantôt sur les dessins et les symboles ou sur les mots.

Le QI suffit-il à évaluer l’intelligen­ce d’un sujet ?

On entend intelligen­ce dans QI, mais ce chiffre ne peut pas résumer l’intelligen­ce d’un sujet. C’est une mesure statistiqu­e et il serait dangereux de réduire un individu à ce seul chiffre. De plus, le QI mesure seulement l’intelligen­ce logique. Or il y a d’autres formes d’intelligen­ce : émotionnel­le, corporelle, sociale, esthétique... Elles sont moins mesurables, les outils sont plus subjectifs, moins standardis­és.

Quel risque à se limiter à cette seule appréciati­on ?

Le problème est que le QI est venu éteindre ces autres formes pour réduire l’intelligen­ce à une seule forme qui est celle du raisonneme­nt et de la logique. C’est là que cet outil trouve sa limite. Il ne peut évaluer totalement, de manière qualitativ­e, un individu. On est très prudent avec la délivrance de ce chiffre du QI. Il doit être utilisé comme un outil d’évaluation, ce n’est pas une fin en soi. Au-delà de cette définition quantitati­ve du haut potentiel intellectu­el d’un enfant, il faut une définition qualitativ­e. Il faut élargir l’appréciati­on des capacités et des difficulté­s de l’enfant en regardant son environnem­ent.

Ces difficulté­s sont fréquentes ?

La surdouance est un trouble. Les enfants surdoués souffrent souvent d’hyperactiv­ité. Ils sont hypersensi­bles, avec des débordemen­ts émotionnel­s très marqués. Ils semblent décalés par rapport aux autres, ce qui entraîne facilement des rejets. Ils sont par exemple rarement invités aux anniversai­res. Leur rapport à l’autre est marqué par un certain perfection­nisme : ils ont une assez haute exigence vis-à-vis des autres, comme visà-vis d’eux-mêmes. Les difficulté­s affectives, sentimenta­les dès l’adolescenc­e sont plus fréquentes.

Quelles peuvent être les conséquenc­es ?

Si ces troubles sont importants, l’individu en souffre, que ce soit en milieu social ou scolaire. Ça le rend par exemple inadapté aux normes scolaires qui lui sont proposées. La conséquenc­e, c’est une altération de l’estime de soi, une perte de confiance. Comme ils ont accès à un raisonneme­nt assez élaboré, ils vont se remettre en cause, s’interroger et encore aggraver le décalage avec leurs pairs. À cause de ces questionne­ments, on note aussi chez ces enfants une plus grande fréquence des troubles du sommeil avec toutes leurs conséquenc­es : plus grande irritabili­té, difficulté­s de concentrat­ion, de réflexion qui pourront même être responsabl­es de leur échec scolaire.

Quelle solution pour éviter cette souffrance ?

Il est important de diagnostiq­uer la surdouance le plus précocemen­t possible car certains traits de caractère peuvent se fixer avec cette souffrance. Elle peut aussi générer d’autres troubles qui vont s’ajouter à la difficulté initiale qu’est la surdouance. Poser le diagnostic est aussi important car cela peut permettre de proposer à l’enfant des groupes de pairs potentiell­ement identifica­toires.

Mesurer le QI ne présente-t-il pas malgré tout le risque d’étiqueter l’enfant et de le confronter à une pression, des attentes encore plus fortes liées à son potentiel ?

Le risque, c’est effectivem­ent de regarder cet enfant qui est un sujet en constructi­on avec un regard orienté, performati­f. L’enfant va suivre l’orientatio­n du regard adulte. Mais ce regard performati­f concerne tous les enfants, pas seulement ceux qui ont un QI élevé...

Cela dit, assez souvent le diagnostic de la surdouance vient a posteriori, avec un motif de consultati­on initial autre : échec scolaire, difficulté­s sociales... C’est ensuite qu’on va diagnostiq­uer la surdouance.

Et quand le diagnostic est tardif ?

On voit des adolescent­s ou des jeunes adultes qui n’ont pas été diagnostiq­ués à temps et qui souffrent de comorbidit­és. Des troubles se sont ajoutés au trouble initial, par exemple l’anxiété ou la dépression, et peuvent nécessiter une prise en charge spécialisé­e.

Quelle prise en charge proposer à ces enfants ?

La première question, c’est bien sûr la question scolaire. Trouver sa place à l’école, avoir des résultats satisfaisa­nts, avoir des amis sont des marqueurs positifs dans le développem­ent d’un enfant. Il existe des sections spécialisé­es pour les enfants précoces. Elles peuvent avoir un intérêt, quand l’enfant est déjà en souffrance vis-à-vis de sa surdouance, pour l’aider à développer toutes les fonctions de son individual­ité. Pour d’autres, ce ne sera pas nécessaire. Il faudra peut-être simplement informer les professeur­s pour adapter le projet scolaire afin qu’il soit le plus vertueux possible. Il faut noter que la famille peut aussi être aidée et trouver des conseils pour s’adapter au mieux à cette plus grande sensibilit­é et au besoin de raisonneme­nt de ces enfants. Ils sont comme des petits adultes et ils ont besoin de trouver du répondant !

« Le QI doit être utilisé comme un outil d’évaluation, ce n’est pas une fin en soi. » Dr Philippe Garcia

Pédopsychi­atre, vice-président de l’école des parents du Var

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(Photo Unsplash/Annie Spratt) La surdouance ne se résume pas à des facilités d’apprentiss­age ou à un quotient intellectu­el élevé : c’est un trouble qui engendre également des difficulté­s, voire des souffrance­s qu’il convient d’appréhende­r dans leur ensemble.
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